En instituant le recours, chaque fois que nécessaire, à un comité scientifique bilatéral chargé de travailler à l'identification des restes humains demandés – un tel comité a été créé avec l'Algérie ; un autre l'a été cette année avec l'Australie ; un autre encore le sera bientôt avec Madagascar –, ce texte offre une méthode sûre pour sécuriser, du point de vue scientifique, le processus de sortie des collections publiques.
Les auteurs de la proposition de loi ont trouvé, me semble-t-il, le bon point d'équilibre entre le respect du principe protecteur de l'inaliénabilité des collections, auquel nous restons tous très attachés, et une juste réponse aux demandes légitimes de populations dont la sensibilité et la mémoire sont heurtées par la conservation, dans une collection, des restes humains de leurs aïeux, ce qui les empêche d'accomplir leurs coutumes funéraires.
Un certain nombre de préoccupations sont apparues au cours du débat parlementaire. Monsieur le rapporteur, cher Christophe Marion, je tiens à saluer votre travail approfondi, qui a permis d'enrichir et de préciser le texte.
J'en viens au sort des restes humains ultramarins, qui demeure pour moi une préoccupation centrale. Je suis très sensible à la demande des descendants des Guyanais qui ont été honteusement exhibés dans un de ces « zoos humains », organisé en 1892 au Jardin d'acclimatation, mais de tels cas ne relèvent pas des relations internationales et leur traitement ne peut donc pas être intégré dans cette proposition de loi.
Mon équipe a engagé un dialogue constructif avec l'association Moliko Alet + Po, qui demande, en lien avec les autorités coutumières et la collectivité territoriale de Guyane, la restitution des restes de ces amérindiens Kali'na. Un mémorial est en construction, avec le soutien de la collectivité territoriale de Guyane et du Grand Conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges. Il sera livré à l'été 2024 et présentera les conditions de conservation recevables pour un transfert des restes en territoire guyanais, afin que les rites appropriés puissent être conduits. Il s'agit d'une solution d'attente jusqu'au moment où nous aurons trouvé le véhicule législatif adapté. Je m'engage à revenir vers vous, une fois ce travail accompli en lien avec mon collègue Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer.
Mesdames, messieurs les députés, le vote auquel vous allez procéder prend place dans un contexte particulier, celui de trois lois-cadres relatives aux restitutions. Après l'adoption à l'unanimité, en juillet dernier, de la loi relative à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 et avant l'examen, l'année prochaine, d'un projet de loi relatif aux biens culturels ayant pu être usurpés, l'Assemblée nationale a une fois encore l'occasion de se retrouver autour d'un texte qui permet d'apaiser et de réconcilier les mémoires.
En offrant la possibilité aux nations qui le demandent d'honorer la mémoire de l'un des leurs et de lui donner une sépulture, cette proposition de loi va dans le sens d'une plus grande justice et d'une plus grande dignité, en somme d'une plus grande humanité. Plus qu'un texte utile, c'est donc un texte nécessaire, que le Gouvernement soutient pleinement.