Comme vous, madame Meynier-Millefert, je me félicite de la planification opérée dans ce budget. Elle me semble indispensable. On perçoit bien, sur le marché de la rénovation, ce besoin de visibilité, de lisibilité et de programmation de l'utilisation des moyens alloués.
J'ai eu le plaisir de travailler avec vous, ainsi qu'avec Mme Julie Laernoes, dans le cadre d'une mission d'information commune sur la rénovation énergétique des bâtiments. Bon nombre de questions posées aujourd'hui recoupent les propositions que nous avons formulées en vue de lever les inquiétudes qui s'expriment. Je résumerai nos travaux en soulignant quelques points essentiels.
Nous voulons, tout d'abord, mettre l'accompagnateur France Rénov' au cœur du dispositif. Plusieurs orateurs ont relevé que le marché était quelque peu anxiogène, qu'il manquait de fluidité et que l'obtention des aides pouvait se heurter à certains blocages : aussi l'accompagnateur doit-il être visible, présent si possible dans un lieu public, bien identifié et rassurant, puisque son rôle est de répondre aux inquiétudes susceptibles de s'exprimer autour de la fraude et des difficultés techniques, administratives ou sociales que l'on peut rencontrer tout au long du parcours. Il devra travailler en lien avec les territoires, eux aussi au cœur du dispositif, car ils sont des acteurs essentiels de la dynamique de transition – je pense, par exemple, aux rénovations par quartier et à la création de réseaux de chaleur. Toutes ces exigences relatives à l'accompagnateur peuvent susciter beaucoup de questions s'agissant notamment de ses compétences, des missions qui lui seront confiées ou de son recrutement. Il devra être parfaitement neutre et à l'abri de tout conflit d'intérêts avec les entreprises du secteur.
Le deuxième point du rapport concerne le problème du reste à charge. On aura beau accompagner au mieux les ménages et les faire bénéficier de toutes les subventions possibles, ce problème sera toujours susceptible de se poser. Le PTZ n'est peut-être pas distribué et promu par le réseau des banques traditionnelles autant qu'il le faudrait ; pour autant, il ne s'agit que d'un prêt, que certaines familles, notamment les plus modestes, auront peut-être du mal à rembourser. De même, le prêt avance rénovation – l'ancien prêt avance mutation –, qui est un prêt hypothécaire, n'est en fin de compte qu'une avance d'argent, mais c'est peut-être la solution ultime pour les gens incapables de payer des mensualités parce qu'ils n'ont pas beaucoup de revenus et pas du tout de trésorerie. Il permet, en quelque sorte, un roulement budgétaire qui atténue les effets de la dépense. Il faut sans doute en mesurer les risques, mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
Afin d'assurer le bouclage financier des dossiers, nous aimerions créer une banque de la rénovation, spécialisée dans ce genre de projets, qui aurait une vision plus complète de la situation et permettrait d'avancer dans la résolution de ce gros problème de reste à charge.
Cela répond un peu aux doutes exprimés par notre collègue Matthieu Marchio. Effectivement, MaPrimeRénov' est source de nombreuses déconvenues. C'est ce qui se passe dans tous les territoires : les gens ont tellement besoin d'être rassurés qu'ils appellent l'artisan local, qui prend en charge la gestion des différentes aides proposées, que ce soient les CEE ou MaPrimeRénov', avec toutes les difficultés qu'elles entraînent. Ainsi, dans ma circonscription, j'ai été saisi par la Maison des entreprises de Thiérache et de la Serre (METS) de problèmes de trésorerie rencontrés par des entreprises confrontées aux délais très longs pour obtenir la prime.
La possibilité pour l'Anah d'absorber les certificats d'économies d'énergie pour abonder MaPrimeRénov' est une simplification importante et bienvenue, la réunion des deux dispositifs en une prime unique facilitant, en outre, les contrôles. Ceux-ci sont, en effet, actuellement de deux types, effectués au titre du C2E pour les uns et de MaPrimeRénov' pour les autres. Nous avons tous constaté sur nos territoires que, dans le cadre des C2E, de nombreux dispositifs ont contribué à insécuriser le marché, non pas du côté des bailleurs sociaux et des collectivités, où les relations ont un caractère professionnel, mais sur le marché résidentiel, où une sécurisation est nécessaire.
Au centre du dispositif, Mon Accompagnateur Rénov' aidera l'Anah à instruire les dossiers MaPrimeRénov', ce qui permettra de s'assurer que toutes les pièces sont bien réunies et d'éviter des surprises, comme les fraudes à l'identité.
Monsieur Amard, nous partageons le volontarisme du Gouvernement, mais les objectifs sont encore bien lointains. De fait, alors que notre objectif est actuellement de 200 000 rénovations, le Haut Conseil pour le climat vise des chiffres de 370 000 à partir de 2024 et de 700 000 à partir de 2030. La marche est donc très haute.
Pour ce qui est du prêt hypothécaire, je suis très favorable à cet instrument, qui est au cœur du système d'avance remboursable. Aujourd'hui, toutefois, ce prêt est mal connu, mal distribué et mal promu, et il génère, du fait même de sa nature hypothécaire, d'importants frais notariaux. Une deuxième question est de savoir ce que deviendra cette avance remboursable au fil des années jusqu'à la mutation, et comment elle sera réévaluée. J'aurai des propositions à formuler à cet égard et nous aurons certainement l'occasion d'en reparler.
Vous condamnez le chèque énergie qui n'est certes pas la solution idéale philosophiquement, car il serait préférable que les gens rénovent leur logement et puissent payer leurs factures, mais il répond à des situations dramatiques que connaissent certaines familles qui ont des factures en souffrance. Mieux vaut donc accompagner une transition avec des prestations que réparer les dégâts qui affecteraient ces familles si nous ne le faisions pas.
Monsieur Vatin, je sais que la mise en œuvre de MaPrimeRénov' fait l'objet de fortes critiques, mais on ne peut pas être opposé à un système de subventions nécessaires pour aider les ménages. Le tout, c'est que les dossiers soient assez simples pour fluidifier le parcours de rénovation.
L'exonération de la TICPE que vous proposez pour soulager les classes moyennes face à l'augmentation du coût de l'énergie, n'est pas la mesure la mieux ciblée vers les ménages modestes, qui en ont le plus besoin, et profiterait surtout aux ménages les plus riches.
Monsieur Cosson, pour ce qui est de l'aide personnalisée à la mobilité, le leasing social peut permettre aux familles les plus modestes de rouler avec un véhicule propre. L'APM est un dispositif inspiré de la situation qui prévaut dans le secteur du logement : quand on ne peut pas acheter son logement, on le loue, et quand on a des difficultés pour le louer, on reçoit une aide sous la forme de l'APL. La location assortie d'une aide sociale est le meilleur moyen de massifier la mutation du parc de véhicules vers l'électrique. Cette formule a tous les intérêts : elle constitue une économie de proximité, car la perspective de la location induit des choix en termes de conception des modèles, dans un esprit de sobriété et de réparabilité. On peut même aller plus loin en intégrant une notion de réutilisation ou de recyclage, afin de proposer à la location des produits dans un état proche du neuf. C'est ce qui s'est produit, par exemple, pour les photocopieurs obsolètes qui encombraient les couloirs des mairies, désormais remplacés par des appareils en location qui, dans une logique d'usage, tombent beaucoup moins souvent en panne.
Par ailleurs, alors que le leasing social, géré par les banques, laisse toujours craindre que ces dernières ne captent une partie des aides publiques, l'aide personnalisée à la mobilité est un système beaucoup plus performant, parce que plus modulable en termes tant de moyens alloués que de critères d'attribution – qu'il s'agisse de critères d'usage, de critères sociaux, de critères liés au besoin de se déplacer pour les familles les plus modestes ou de critères géographiques.
Dans l'idéal, il faudrait, pour diminuer le prix de la location à l'usage, constituer un consortium de marques françaises, voire européennes, visant à concevoir un modèle vraiment accessible à tous. Nous n'inventons rien : c'est ce qu'a fait Volkswagen dans l'après-guerre avec la Coccinelle, modèle économique qui permettait à chacun d'avoir son véhicule. Je vous remercie donc de soutenir cette mesure.
Monsieur Leseul, vos questions portaient plutôt sur la sécurité. Nous avons souvent travaillé ensemble par le passé, notamment à propos de Ma Prime Climat, qui proposait déjà une avance remboursable.
On voit bien que, dans une perspective écologique, ce budget manifeste la volonté commune de favoriser des rénovations globales et performantes, ce qui signifie que l'assiette de travaux sera énorme. Ce sera encore plus vrai du reste à charge. Vous évoquez à ce propos un chiffre de 29 000 euros. Des outils comme le prêt à taux zéro et le prêt d'avance à la mutation du bien peuvent être des réponses appropriées s'ils sont toilettés et font l'objet d'une promotion et d'une défense adéquates.
Madame Bassire, il est vrai qu'en additionnant les différentes lignes budgétaires, on ne retrouve pas le montant annoncé de 1,6 milliard d'euros supplémentaire, mais seulement 900 millions environ. Le ministère, que nous avons interrogé avec insistance à ce propos, m'indiquait hier encore qu'un montant de 700 millions d'euros destiné à l'Anah correspondait à la vente de quotas carbone, mais cette somme n'est pas totalement fléchée sur des autorisations d'engagement.
Quant à la banque de la rénovation, il s'agit en effet de l'outil public qui manque à nos dispositifs.