Réussir la transition énergétique suppose d'engager la transformation des deux secteurs les plus énergivores en France : le bâtiment, qui a représenté 44 % de la consommation énergétique finale et 18,1 % des émissions de gaz à effet de serre en 2021, et les transports, qui ont consommé 31,3 % de l'énergie finale et émis 30,8 % des gaz à effet de serre, dont plus de 94 % au titre du seul transport routier. Le programme 174 Énergie, climat et après-mines entend agir sur ces deux secteurs sur lesquels je concentrerai mon propos, car ils représentent plus de 90 % des crédits.
S'agissant du bâtiment, j'ai pour habitude de dire que rénover les logements est bon pour l'environnement, pour l'économie et pour le pouvoir d'achat. L'action 02 Accompagnement transition énergétique du programme 174 fait la synthèse de ces trois enjeux à travers le financement de MaPrimeRénov' et du chèque énergie.
Le dispositif MaPrimeRénov' est réformé en 2024. Cette prime sera déclinée en deux piliers. Un pilier « performance » ciblera les projets de rénovation globale – avec au moins deux sauts de classe du diagnostic de performance énergétique (DPE) – et un pilier « efficacité » visera à remplacer les modes de chauffage carbonés. L'aide forfaitaire ne sera plus accessible notamment aux propriétaires de logements énergivores, qui relèvent en fin de compte du pilier « performance ». Ce rééquilibrage des aides va dans le bon sens. Il faut bien évidemment isoler un bâtiment avant de décarboner sa consommation énergétique – particulièrement dans un contexte d'explosion des prix de l'énergie.
Les crédits consacrés à MaPrimeRénov' sont répartis entre plusieurs programmes : le programme 174, qui fait l'objet de cet avis, le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat – rattaché à la mission Cohésion des territoires – et le programme 362 Écologie de la mission Plan de relance. Si l'on additionne les crédits retracés par ces trois programmes, le financement s'élève à 3,7 milliards d'euros pour 2024, soit une hausse conséquente de 916,3 millions d'euros en AE et de 134,3 millions d'euros en CP.
Cela mérite d'être salué, mais cette progression ne correspond pas à l'annonce par le Gouvernement d'une augmentation globale de 1,6 milliard d'euros. J'ai interrogé l'administration pour savoir où se trouvaient les crédits qui manquent. La réponse qui m'a été donnée est pour l'instant très incomplète.
Deux remarques à ce stade.
Premièrement, ces crédits manquent de lisibilité.
Deuxièmement, le budget consacré à MaPrimeRénov' me paraît insuffisant si l'on considère les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone et la crise énergétique actuelle. En 2022, seulement 65 000 rénovations globales ont été réalisées et leur nombre devrait être comparable en 2023. Or le Gouvernement prévoit de tripler ces rénovations en l'espace d'une seule année. Cet objectif ne pourra pas être atteint sans une véritable massification des aides. Le Haut Conseil pour le climat considère qu'il faudrait effectuer 370 000 rénovations globales par an dès maintenant et 700 000 par an à partir de 2030.
Outre les aspects budgétaires, la rénovation énergétique des bâtiments se heurte à plusieurs difficultés. Cet avis propose plusieurs pistes pour les résoudre.
Premièrement, il faut renforcer l'accompagnement personnalisé et la confiance des ménages. Les besoins sont réels en la matière, tant en raison de la complexité des aides que des risques de fraude. Le déploiement des espaces et des accompagnateurs France Rénov' dans les intercommunalités me paraît plus que nécessaire. Il y a lieu de proposer un accompagnement à la fois technique, administratif, financier et même parfois social tout au long des travaux. Les accompagnateurs France Rénov' doivent avoir des compétences particulièrement variées, allant de la délivrance de conseils sur les projets à l'élaboration d'un plan de financement. Ils doivent être clairement identifiés et, surtout, présents sur l'ensemble du territoire. Leur parcours doit apporter des garanties suffisantes d'indépendance.
Deuxièmement, il convient de rendre plus fiable le DPE. Cet outil doit devenir incontestable, ce qui n'est malheureusement pas encore le cas. C'est d'autant plus nécessaire que l'accès à certaines aides dépendra du DPE. Il faut homogénéiser les pratiques des diagnostiqueurs et renforcer leur formation.
Troisièmement, il convient de lutter contre la fraude et le démarchage agressif – avec des pratiques commerciales quelquefois trompeuses, y compris de la part d'entreprises disposant du label Reconnu garant de l'environnement (RGE), qui n'est malheureusement pas toujours une garantie. Le secteur est marqué par l'ampleur des tentatives de fraude. Il est nécessaire de donner à l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) les moyens de renforcer les contrôles aléatoires et de sanctionner ces pratiques.
Quatrièmement, il faut se préoccuper du reste à charge pour les personnes et les ménages modestes, qui reste de l'ordre de 50 %. Il y a donc un décalage entre les objectifs de rénovation énergétique et la réalité des capacités financières des ménages. Les prêts montrent leurs limites, qu'il s'agisse de l'éco-prêt à taux zéro ou du prêt avance rénovation. Je propose de transformer ce dernier en une avance remboursable dont le montant sera indexé sur la valeur du bien.
L'action 02 Accompagnement transition énergétique du programme 174 finance également le chèque énergie, dont les crédits sont stables par rapport à 2023, avec près de 900 millions d'euros en AE et de 800 millions d'euros en CP. Ce chèque n'est attribué qu'aux ménages très modestes, avec un montant moyen de 148 euros cette année – soit à peine 10 % des dépenses énergétiques. Il est pourtant reconduit à l'identique en 2024, ce qui constitue un choix difficilement compréhensible.
J'ai donc déposé un amendement qui propose de revaloriser le montant de ce chèque en augmentant le plafond de revenus des ménages éligibles. Les travailleurs pauvres doivent pouvoir bénéficier de ce dispositif dont ils sont actuellement exclus.
Enfin, contrairement aux tarifs sociaux de l'énergie, le chèque énergie n'est pas lié à la consommation énergétique des ménages. Pourtant, les écarts de consommation – et donc de facturation – peuvent aller jusqu'à 500 euros suivant les zones. Je propose de réfléchir à une modulation en fonction de l'indice climatique des régions.
J'en viens au verdissement des transports.
La transition vers un parc automobile décarboné ou peu polluant est inévitable, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'assurer une bonne qualité de l'air. D'où l'action 03 Aides à l'acquisition de véhicules propres. Il s'agit de financer divers dispositifs pour aider les particuliers et les entreprises à renouveler leurs véhicules. Les crédits portent sur le bonus écologique, la prime à la conversion, le dispositif de leasing social, l'appel à projets « écosystèmes des véhicules lourds électriques » et le soutien au déploiement de bornes de recharge. L'enveloppe prévue est de 1,5 milliard d'euros, soit 200 millions de plus que l'année dernière. Je note que nous manquons de visibilité sur la répartition prévisionnelle de ces crédits, qui n'est pas encore connue.
En 2022, 325 000 bonus écologiques ont été attribués, pour 1,16 milliard d'euros. Je salue l'entrée en vigueur, fin 2023, d'un nouveau critère d'éligibilité : le score environnemental, qui prendra en compte l'empreinte carbone du véhicule depuis la production de la matière première jusqu'au transport de ce dernier sur son lieu de distribution.
La prime à la conversion favorisera le basculement du parc vers des véhicules peu polluants, électriques, à hydrogène, classés Crit'Air 1. Les véhicules rétrofités et les vélos à assistance électrique sont également inclus. En 2022, près de 92 000 primes ont été attribuées pour environ 250 millions d'euros. Une surprime, allouée aux zones à faibles émissions mobilité et en outremer, renforce la dimension sociale de cette aide attribuée sous condition de ressources.
La transformation du parc automobile nécessite l'accès de tous aux véhicules électriques, avec une présence suffisante de bornes de recharge à un tarif compétitif et sur l'ensemble du territoire. Les mesures en faveur de leur développement doivent se poursuivre.
Concernant les bornes privées –1,4 million de points de recharge –, les crédits d'impôts, la réduction de TVA, le programme Advenir financé par les certificats d'économies d'énergie (C2E) permettent l'accompagnement des particuliers et des entreprises. Ce sont 100 000 points de recharge qui sont ouverts au public, loin des 400 000 prévus par le Gouvernement d'ici à 2030.
Par ailleurs, pour assurer la transition vers l'électrique, la tarification de l'électricité doit rester compétitive par rapport aux énergies fossiles. À ce titre, les prix élevés des recharges électriques dans les grandes surfaces ou sur les aires d'autoroutes ne laissent pas d'interroger.
Enfin, qui dit accès de tous aux véhicules propres dit, là aussi, accompagnement des foyers à revenus modestes. Parce que le coût de l'acquisition est rédhibitoire, il est proposé de financer le leasing social dès le 1er janvier 2024, une location de véhicule électrique au score environnemental minimal dès 100 euros par mois. Je pense qu'il faut aller plus loin. Je vous proposerai par voie d'amendement la création d'une « aide personnalisée à la mobilité » (APM), calquée sur l'aide personnalisée au logement (APL), dont le montant serait progressif, sur critères sociaux, géographiques – les zones à faibles émissions (ZFE) notamment – et sur critères d'usage.