Sans doute, mais moi je dis des choses vraies, ce qui est plus supportable. Il est absolument faux de dire que nous consacrons toutes les ressources au pénitentiaire. Vous ne voulez pas l'entendre, peu importe.
Vous assénez comme un axiome – lequel, contrairement à un théorème, est indémontrable – qu'ouvrir plus de places de prison incite à les remplir. Pour ma part, je ne vois pas comment résoudre le problème de la surpopulation carcérale sans utiliser le levier de la construction et de la réhabilitation de bâtiments.
Ce que vous ne dites pas, c'est que, dans les établissements que nous construisons ou que nous rénovons, chaque cellule dispose d'une douche. J'ai connu l'époque – j'ai la prétention de bien connaître la justice, du moins de façon effective – où les détenus prenaient une douche par semaine. Ce traitement dégradant et inhumain, qui, hélas, a encore cours, est de surcroît l'un des moments les plus dangereux pour le personnel pénitentiaire. Nous avons procédé à des améliorations, mais vous refusez de l'admettre.
Par ailleurs, la loi de programmation de la justice prévoit d'augmenter le nombre de libérations sous contrainte (LSC), lequel est passé de 771 au 1er juillet 2019 à 1 563 au 1er juillet 2022. Nous menons une politique volontariste d'optimisation du parc immobilier visant au transfert accéléré des condamnés vers les établissements pour peines, conforme aux recommandations du rapport d'information sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en œuvre rédigé par François-Noël Buffet, président de la commission des lois du Sénat.
Monsieur Rebeyrotte, les trois derniers CEF ouverts, à Épernay, Bergerac et Saint-Nazaire, sont comptabilisés dans les cinquante-trois en fonctionnement.
Dix-neuf seront livrés d'ici la fin du quinquennat : trois en 2024, à Rochefort, Le Vernet en Ariège et Montsinéry-Tonnegrande en Guyane ; cinq en 2025, à Amillis en Seine-et-Marne, à Bellengreville dans le Calvados, à Apt dans le Vaucluse, à Bléré en Indre-et-Loire et à Digne dans les Alpes-de-Haute Provence ; trois en 2026, à Lure, à Mayotte et à Villeneuve-Loubet ; huit en 2027. Voilà ce que nous comptons construire pour tenir les promesses du Président de la République.
Monsieur Gosselin, je vous remercie d'avoir évoqué la formation des personnels avec nuance.
S'agissant de la mise en œuvre du plan 15 000 places, je souhaite de tout cœur ne pas me heurter à des obstacles dans l'acquisition de terrains. Il est un peu facile, dites-vous, d'attribuer aux élus la responsabilité des blocages. C'est peut-être un peu facile, mais c'est vrai. Les endroits où il y a un blocage, on les connaît. J'aimerais que les choses se débloquent. Je l'ai dit à Éric Ciotti, en votre présence. Vous-même, vous avez apporté votre pierre à la construction pénitentiaire, si j'ose dire.
Je suis sincère, vous aussi : donnez-nous un coup de main et nous réussirons. Ce plan est utile. Il ne s'agit pas d'être plus répressif, mais d'assurer la dignité des conditions de détention, ainsi que davantage de sécurité et de confort pour le personnel pénitentiaire, qui le mérite. J'ai inauguré le centre pénitentiaire de Caen-Ifs. Par comparaison avec l'ancienne prison, qui était très dégradée, c'est le jour et la nuit. Je n'ai aucun frein idéologique à la construction d'établissements dignes.
Dans une grande démocratie, la détention doit être un lieu de privation de liberté et de punition, mais aussi de possible réinsertion. Je ne doute pas que nous sommes d'accord sur ce point. Donnez-nous un coup de main et nous serons au rendez-vous des prévisions du rapport annexé à la loi de programmation de la justice, que nous avons construit ensemble.
S'agissant des recrutements de magistrats, la difficulté est réelle. Je ne me cache pas derrière mon petit doigt. Comment résoudre le problème ?
Nous actionnons quatre leviers : une campagne de communication, la diffusion d'informations claires sur les métiers et les carrières, des interventions dans les universités et l'ouverture, que nous avons décidée ensemble, de passerelles permettant à des professionnels du droit d'intégrer la magistrature. Souvent, ils sont rebutés par la longueur des stages et la complexité du parcours – de mémoire, il y a sept voies d'accès. Nous en avons drastiquement réduit le nombre et avons simplifié le tout, pour faciliter l'ouverture du corps des magistrats, à laquelle je suis très favorable, comme je l'ai dit dès le premier jour.
Madame Roullaud, nous faisons beaucoup en faveur de l'enfance maltraitée. Je sais que vous y êtes très attentive. J'ai lancé en février le programme d'accompagnement des mineurs victimes (Pamivi).
France victimes déploie un programme d'accompagnement des mineurs permettant notamment la découverte préalable de la salle d'assises, sur le modèle québécois. Les enfants appréhendent le procès, qui est un moment terrible pour eux. Leur permettre, au préalable, de circuler dans la salle d'audiences, de toucher une robe de magistrat et de s'asseoir dans le fauteuil du président est une bonne chose.
L'introduction du chien d'assistance judiciaire est un succès, comme j'ai eu l'occasion de le constater. J'ai entendu des enquêteurs et des juges d'instruction me dire qu'ils ne peuvent plus s'en passer, car ils libèrent la parole des enfants. Cela change tout, j'en ai eu de multiples exemples. Lors d'un déplacement avec Brigitte Macron dans un tribunal, tous nos interlocuteurs nous ont dit qu'il s'agit d'une avancée. Nous développons cette approche.
Nous avons eu un problème budgétaire. Nous pensions initialement qu'il fallait utiliser des chiens guides d'aveugle, mais leur dressage coûte très cher. Nous avons réduit leur dressage. Nous voulons des chiens gentils et bien dressés, doux avec les enfants, qui ne risquent pas de leur sauter dessus. Avoir cette espèce de doudou vivant libère la parole de l'enfant – c'est extraordinaire ! Je veux développer cela partout.
Les unités d'accueil pédiatriques des enfants en danger (UAPED) permettent de recueillir en une fois la parole de l'enfant et d'assurer une prise en charge globale – sanitaire, psychologique, psychiatrique, médicale et judiciaire. Beaucoup reste à faire, mais nous avançons.
Monsieur Baubry, je sais bien qu'un morceau avalé n'a plus de saveur, mais je vous rappelle que les moyens alloués à la sécurisation des établissements pénitentiaires ont été portés à 70 millions d'euros en 2021, soit une augmentation de 9 % par rapport à 2020. En 2022, la dotation allouée s'est élevée à 118,5 millions, dont une dotation exceptionnelle de 30 millions dans le cadre de la sécurisation périmétrique des établissements pénitentiaires.
Sur l'exercice 2023, des crédits de 76,9 millions d'euros ont notamment financé la programmation du déploiement de dispositifs de brouillage, la lutte anti-drone et le déploiement du programme de mobilité de la DAP. Quant à la sécurisation des enceintes pénitentiaires, les rénovations ont mobilisé un financement de près de 22 millions.
En 2024, la hausse est de 83,7 millions d'euros, ce qui permettra de généraliser les caméras-piétons, de poursuivre l'installation de dispositifs de brouillage des téléphones portables et de dispositifs anti-drones, de poursuivre le déploiement de la vidéosurveillance en détention et des smartphones-alarmes Sageo – système d'alerte géolocalisé –, et de poursuivre le plan de lutte contre les violences.
On ne modifie pas une situation en un claquement de doigts. Je n'ai pas de baguette magique. C'est facile, lorsque l'on siège dans l'opposition, de dire « Y a qu'à, faut qu'on, faudrait »… J'ai énuméré la liste des améliorations que nous avons apportées. Si vous êtes intellectuellement honnête, ce dont je ne doute pas, vous nous concéderez de nettes améliorations.
Monsieur Houssin, je ne reprendrai pas ce que j'ai dit sur la loi de programmation de la justice, ayant la faiblesse de penser que vous avez été attentif. De grâce, cessez de vous fonder sur une affaire que personne ne connaît, ni vous, ni les autres membres de cette commission, pour dire que la justice a mal fait son travail.
La démocratie et l'État de droit, entendez-le, n'ont rien de superfétatoire. Ces notions incluent l'indépendance de la justice. Vous me parlez d'un dossier que je ne connais pas et vous assénez que les peines appliquées ne sont pas celles qui auraient dû l'être. D'un dossier qui fait peut-être cinquante centimètres d'épaisseur, vous faites un résumé de deux phrases. Ce n'est pas correct. Ne pas respecter la justice, qui est au cœur de notre pacte social, c'est délétère.
Si un jour vous parvenez au pouvoir, deux solutions s'offriront à vous : laisser la justice faire son travail en toute indépendance, quitte à critiquer telle ou telle décision, ou la mettre au pas, ce qu'ont fait les Hongrois – j'ai reçu des magistrats hongrois – et ce qu'ont tenté de faire les Polonais qui, après avoir choisi un gouvernement très à droite, s'en sont donné un qui est plus proche de la sensibilité qui est la mienne. Dans ces matières, il faut faire attention. Cessez de dire que la justice est laxiste. Ce n'est pas vrai. La Cour des comptes le dit. Cessez de faire votre miel de ces discours. Si vous êtes un jour au pouvoir, ce que je ne souhaite pas, je ne vous donne pas une semaine pour avoir votre lot d'infractions, de délits et de crimes.
Vous faites pareil sur tous les sujets, qu'il s'agisse de terrorisme ou de droit commun. Vous avez toujours une solution, clé en main. Je vais vous dire une chose : ce n'est pas comme cela que ça marche.
Un professeur de droit avait coutume de dire que le droit pénal est le droit de l'échec. Lorsque la justice est saisie, le mal est fait. Si un jour vous conquérez le pouvoir démocratiquement, vous constaterez que je ne vous raconte pas de bêtises. Au demeurant, parlez-en aux avocats de votre groupe politique, ils ne vous diront sans doute pas le contraire de ce que je vous ai dit.