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Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du mardi 24 octobre 2023 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Éric Dupond-Moretti, ministre :

Madame Yadan, je vous remercie de l'investissement qui est le vôtre en matière de résolution des litiges à l'amiable. En tant que professionnelle du droit, vous savez de quoi vous parlez. Nous revalorisons les crédits dédiés à l'AJ versée dans le cadre de procédures à l'amiable à hauteur de 1,8 million d'euros par an.

L'incitation des avocats à recourir à l'amiable ne repose pas uniquement sur l'AJ. Dans certains dossiers, les avocats ne veulent ou ne peuvent demander le bénéfice de l'AJ. Nous envisageons des actions de communication. Nous renforcerons la formation des avocats à l'amiable.

Les ambassadeurs de l'amiable se rendront – ils ont commencé ce travail – dans toutes les cours d'appel. Certains sont professeurs de droit, d'autres avocats ou magistrats, d'autres encore commissaires de justice ou notaires. Le 1er novembre 2023, les deux nouveaux modes alternatifs de règlement des différends (MARD) créés par le décret du 29 juillet 2023 entreront en vigueur. Nous prévoyons une grande campagne de publicité à cette occasion. À l'étranger, les MARD sont très usités. Ils rapprochent le citoyen de sa justice, raccourcissent les délais de rendu de jugement et replacent le juge dans son cœur de métier. Cette demande a été fortement exprimée, notamment dans la « tribune des 3 000 ».

Par ailleurs, les MARD permettent au justiciable de se réapproprier son procès. Dans certaines procédures, pendant deux ans et demi ou trois ans de mise en état, le justiciable ne voit jamais son juge. Comment peut-on aimer la justice si elle est désincarnée ? Les MARD sont tout le contraire de cela.

Nous prendrons des dispositions relatives à l'AJ, notamment financières, pour valoriser l'amiable. Par ailleurs, il faut convaincre les avocats qui ne prennent pas l'AJ que celle-ci leur offre un modèle économique viable, car ils traitent davantage de dossiers dans des délais réduits, ce qui leur permet d'augmenter leurs honoraires.

Une véritable dynamique démarre. Elle va dans le bon sens. Je m'engage nettement en sa faveur. Si tout le monde s'y met, nous imposerons l'amiable comme mode de règlement des litiges.

De l'avis général, les litiges les plus complexes se résolvent mieux par l'amiable que par le contentieux. Tout le monde a intérêt à ne pas aller d'expertises en contre-expertises. Si nous parvenons à convaincre, nous réussirons le pari de diviser par deux les délais de rendu de jugement en matière civile, ce qui n'est pas rien.

Madame Bordes, le budget alloué aux victimes sera de 47 millions d'euros en 2024, soit une hausse de 2 millions. Le budget alloué à la lutte contre les violences intrafamiliales est en augmentation importante. De 2020 à 2024, il a plus que doublé, passant de 8 à 17,2 millions d'euros.

Ce que vous dites sur l'Espagne est juste. Les Espagnols ont été plus rapides que nous sur ces questions. Ils ont agi dès 2004. Toutefois, il a fallu un certain temps pour que la courbe des féminicides s'infléchisse sérieusement. Après un premier plateau, elle a drastiquement diminué, et présente à nouveau un plateau. Si les Espagnols ont été précurseurs à plusieurs égards, nous n'avons pas à rougir de notre bilan, qui inclut notamment le bracelet antirapprochement (BAR) et le téléphone grave danger, ce que je vous remercie d'avoir reconnu avec objectivité.

Disons-le tout net : pour moi qui suis aux manettes – permettez-moi ce petit coup de patte –, le risque zéro n'existe pas. Il y a des individus auxquels vous pouvez attacher quatre BAR et qui n'en commettront pas moins des délits. La baguette magique capable de faire disparaître la délinquance, vous savez ce que j'en pense : j'ai eu moult fois l'occasion de m'exprimer à ce sujet.

Nous faisons des progrès. Le rapport de vos collègues Dominique Vérien et Émilie Chandler, qui suivent ces sujets avec beaucoup d'intérêt, nous a inspiré l'instauration d'une ordonnance de protection provisoire immédiate, qui peut être prise dans les vingt-quatre heures sans contradictoire, lequel sera rétabli dans le délai habituel des six jours, sous peine de verser dans l'arbitraire. Ce rapport nous a aussi inspiré l'institutionnalisation des pôles spécialisés, qui ont déjà entendu 400 témoignages. Le travail parlementaire, quand il est mené de cette façon, doit nourrir la réflexion des ministres.

Monsieur Kamardine, j'ai envoyé à Mayotte une brigade de magistrats et de greffiers, sans me préoccuper de savoir s'ils sont, ou non, membres du syndicat de la magistrature. J'ose espérer que leur boussole est celle de tout magistrat : les faits et le droit.

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