Je ne reviendrai pas sur l'évolution des moyens dévolus à l'administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse. M. le garde des sceaux les a présentés, et il paraît difficile de contester les efforts qui sont consentis de manière pérenne en faveur de ces deux administrations.
S'agissant des crédits de l'administration pénitentiaire, je voudrais toutefois attirer votre attention sur deux points, et d'abord sur la situation des surveillants. Depuis 2017, en parallèle des avancées budgétaires, nous avons œuvré à la revalorisation en profondeur du statut et du métier de surveillant pénitentiaire. Rappelons, par exemple, la signature en 2021, par le garde des sceaux, de la charte du surveillant acteur. Loin du modèle du « porte-clefs », qui a trop longtemps prévalu, nous avons ainsi diversifié les missions du surveillant pour reconnaître concrètement son rôle d'acteur incontournable d'une détention sécurisée. Des efforts indemnitaires ont également été réalisés, avec l'augmentation progressive de la rémunération des jeunes agents débutant dans la profession. Et je me réjouis de voir cette année le projet de loi de finances traduire une nouvelle étape de cette revalorisation : en 2024, les surveillants connaîtront une réforme majeure, puisqu'ils passeront de la catégorie C à la catégorie B. Il s'agit là d'une réforme historique, dont nous devons saluer l'importance et la pertinence.
En second lieu, je voudrais profiter de cette discussion budgétaire pour rappeler l'avancement du plan « 15 000 » et dissiper les doutes que certains se plaisent à faire naître. L'année 2023 a été une année tournant pour la réalisation de ce plan : sur les cinquante et un établissements programmés, onze ont ouvert cette année. Au cours de ce seul mois d'octobre, ce sont 1 000 places nettes qui sont sorties de terre. Dans l'histoire de notre administration pénitentiaire, c'est tout simplement le mois où l'on a créé le plus de places de prison.
Ces livraisons nous permettront d'atteindre à la fin de l'année le premier tiers du plan « 15 000 ». Ce résultat me paraît plus qu'honorable, d'autant plus qu'il aura été atteint malgré la crise du Covid, malgré les difficultés du secteur de la construction et malgré les réticences encouragées localement par certains élus – qui sont aussi les premiers à dénoncer le laxisme de la justice. Mais le chemin ne s'arrête pas là, puisque trente-six opérations sont encore prévues dans le cadre de ce plan : quatorze sont en cours ; cinq sont entrées en phase d'études de conception ; quatre sont actuellement soumises aux appels d'offres en vue du choix du constructeur ; treize, enfin, sont au stade d'études préalables.
Normalement, à la fin de l'année prochaine, près de la moitié des établissements auront été livrés, ce dont nous pouvons nous réjouir. En effet, au-delà du débat sur l'accroissement de nos capacités d'emprisonnement – sur lequel nos positions peuvent diverger –, nous devons tous nous retrouver sur une réalité : la construction de nouvelles prisons permettra d'améliorer les conditions de détention des personnes incarcérées et les conditions de travail du personnel pénitentiaire. Ce double objectif doit rester notre boussole.
C'est d'ailleurs une boussole qui oriente une autre dépense largement revalorisée au fil des différentes lois de finances : le montant consacré à la maintenance et à la rénovation des établissements existants. L'entretien du parc pénitentiaire représente en effet un défi logistique et budgétaire qui a été sous-évalué par les majorités précédentes et que nous nous sommes appliqué à relever. Ce budget a été doublé et permet de conduire d'importants chantiers d'entretien, voire de réhabilitation complète, lorsque cela s'avère nécessaire, comme ce sera par exemple le cas à Fresnes dans les prochaines années.
J'en viens à présent à la seconde partie de mon rapport, que j'ai choisi de consacrer cette année à la santé mentale des personnes détenues.
Depuis plusieurs années déjà, les auditions, déplacements et autres contacts que j'ai pu avoir avec le monde pénitentiaire m'ont amené à constater que l'état de santé mentale et les modalités de prise en charge psychiatrique des personnes détenues constituaient un sujet de préoccupation pour les acteurs de terrain.
Publiée en début d'année, une étude épidémiologique nationale sur la santé mentale en sortie de prison est venue confirmer ces constats empiriques : les deux tiers des hommes détenus en maison d'arrêt et les trois quarts des femmes présentent, à la sortie de prison, un trouble psychiatrique ou une addiction à une substance. La prévalence des troubles psychiatriques est ainsi bien plus importante que dans la population générale : c'est un constat qui doit nous faire réfléchir.
L'année 2024 devant marquer le lancement de la deuxième phase de construction des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), il m'a donc semblé pertinent de faire le point sur les prises en charge proposées pour les personnes détenues. Ce sujet est évidemment trop vaste pour être entièrement traité dans une moitié de rapport budgétaire pour avis, mais je pense que ce point d'étape sera utile et permettra à notre commission de se pencher sur ce sujet. D'ailleurs, dès 2017, sous l'impulsion de la présidente Yaël Braun-Pivet et de notre collègue Stéphane Mazars, la commission des lois avait constitué un groupe de travail sur la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques et formulé plusieurs recommandations. Ce sujet mérite que nous continuions d'y être particulièrement attentifs et je voudrais profiter de votre présence parmi nous, monsieur le ministre, pour vous interroger sur deux points.
Au cours de mes déplacements, j'ai été alerté à plusieurs reprises sur les difficultés rencontrées pour réaliser des extractions sanitaires. Elles sont de deux ordres. D'une part, les équipes étant souvent débordées, elles ne peuvent pas toujours procéder aux extractions nécessaires pour que des détenus se rendent à leur rendez-vous médical : cela conduit à l'annulation de nombreux rendez-vous et nuit au suivi sanitaire et psychiatrique. D'autre part, ce sont les équipes pénitentiaires des UHSA qui sont chargées d'aller chercher les détenus devant être hospitalisés ; or, les distances sont parfois trop grandes entre l'établissement et l'UHSA, ce qui limite les possibilités d'extraction et nuit à la prise en charge des détenus incarcérés dans les établissements les plus éloignés géographiquement. Pouvez-vous nous préciser ce qui est fait pour contourner ces difficultés ?
Je ne serai pas plus long et m'en tiendrai à la question des UHSA : le lancement de la seconde tranche, longtemps attendu, doit enfin être enclenché l'année prochaine. Même si cela ne relève pas entièrement de l'administration pénitentiaire, puisqu'il s'agit de structures hospitalières, pouvez-vous nous préciser ce qui sera fait en 2024 dans ce domaine ?