Maire d'une commune rurale durant vingt-deux ans, je peux parler en connaissance de cause du rôle des secrétaires de mairie, qui va bien au-delà des fonctions administratives et fait d'elles des couteaux suisses ou des moutons à cinq pattes, car elles doivent avoir des connaissances précises en matière de finances publiques, de mandatement, de règlement, de recensement, d'urbanisme ou d'état civil. Elles sont parfois aussi assistantes sociales, confidentes de la population, et assurent la mémoire du travail de la commune. L'attachement à ces secrétaires est souvent fort. Les maires ont besoin d'être adossés à leurs compétences et à leurs connaissances, constituant avec elles un duo singulier, dans l'intérêt général.
Pour citer Tocqueville, « c'est dans la commune que réside la force des peuples libres ». Pour que ces peuples puissent exprimer leur liberté, il faut aussi qu'ils aient de l'ingénierie et des capacités, pour ne pas subir des intercommunalités ou des décisions de l'État, avec des communes qui se sentiraient coincées entre l'enclume et le marteau. Tel est l'objet de la profession de secrétaire de mairie, qui est toutefois en grande difficulté. Cette profession est méconnue du grand public urbain, mais pas dans nos 30 000 communes rurales, où les secrétaires de mairie sont connus et appréciés. Leur rôle est important et requiert des compétences diverses. Pour autant, il est mal valorisé et la hiérarchie administrative est insuffisante.
La proposition de loi qui nous est présentée va dans le bon sens, même si elle ne suffira pas à résoudre la crise des vocations. S'il suffisait d'augmenter les formations et les rémunérations pour que la fonction publique territoriale soit attractive, cela se saurait ! Mais c'est une vraie reconnaissance et un signal. Il faut aussi animer davantage les réseaux locaux de secrétaires de mairie. Je salue le fait de confier des compétences en ce sens aux centres de gestion départementaux. Ceux-ci accompagnent déjà les secrétaires de mairie et forment des volants de remplacement, notamment dans la Manche.
N'attendons pas de miracle, même républicain. Je n'y crois pas. Pour autant, cette proposition, que notre groupe votera, est une reconnaissance bienvenue et qui va dans le bon sens.