Nous ne débattrions pas de cette proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie s'il était exercé à 94 % par des hommes. C'est parce qu'il est exercé essentiellement par des femmes qu'il est précarisé et méprisé.
Tout le monde souhaite revaloriser le métier de secrétaire de mairie. Le Sénat a d'ailleurs adopté à l'unanimité cette proposition de loi. Celle-ci constitue une première pièce dans la machine, mais des angles morts demeurent concernant les revalorisations salariales et la création d'un statut unique. Adopter ce texte en l'état reviendrait à s'arrêter au milieu du gué.
Les secrétaires de mairie sont de véritables couteaux suisses, qui exercent des missions relevant de la comptabilité, des ressources humaines, du droit public et d'autres domaines encore. Alors qu'elles endossent régulièrement le rôle d'assistante sociale, ce sont les dernières personnes vers qui peuvent se tourner les citoyens en milieu rural, où les services publics ferment progressivement.
D'ici à 2030, près d'un tiers de ces femmes partiront à la retraite. Le métier de secrétaire de mairie est l'un des douze les plus en tension dans la fonction publique territoriale. Il est pourtant la clé de voûte des mairies de nos petites communes. Il est urgent de lui redonner ses lettres de noblesse, ce qui passe par une évolution du statut et une revalorisation des grilles salariales. Certaines secrétaires, qui ont plus de trente ans d'expérience, gagnent à peine plus que le Smic – et ce, dans un contexte d'inflation galopante et alors qu'elles doivent faire de multiples pleins d'essence pour les trois, quatre et parfois cinq mairies entre lesquelles elles jonglent. Le Gouvernement doit s'engager à prendre des mesures fortes, car l'article 40 de la Constitution nous contraint. En attendant ces mesures, les secrétaires de mairie se serrent les coudes grâce à leur association. Elles s'organisent pour alerter sur la réalité de leur métier, sensibiliser les élus et défendre leurs intérêts. Au niveau national, c'est la débrouille ! Elles s'échangent des conseils grâce aux réseaux sociaux, auxquels près de 9 000 d'entre elles sont abonnées. Comment s'en contenter ?
Lors de l'examen de ce texte, le groupe de La France insoumise proposera des amendements tendant à améliorer la formation spécifique proposée à l'article 2 bis. Nous proposerons aussi la suppression de l'article 4, qui ouvre la possibilité aux communes de 1 000 à 2 000 habitants d'embaucher un contractuel. La contractualisation ne doit pas être la solution.
Il est du ressort du Gouvernement d'accompagner financièrement les communes pour leur donner les moyens de recruter. Il est inconcevable qu'une personne fournissant un travail équivalent à celui d'un directeur général adjoint des services (DGA), voire d'un directeur général des services (DGS), sans les moyens qui vont avec, soit rémunérée au Smic ou même moins, comme en ont témoigné certaines secrétaires de mairie lors des auditions. Le cas échéant, les mairies compensent avec des primes diverses.
En serions-nous là si ces agents étaient des hommes ? Le duo constitué du maire et du secrétaire de mairie est essentiel dans nos petites communes, souvent rurales. Mais les secrétaires de mairie ne peuvent se contenter d'à peine joindre les deux bouts grâce à des primes qui ne comptent pas pour leur retraite. Il ne suffit pas de saluer ces couteaux suisses, mais d'agir pour elles. Les secrétaires de mairie n'ont cessé de témoigner de leur amour de leur métier, tout en déplorant leur isolement et leur faible rémunération. Écoutons-les, accompagnons-les et revalorisons ce métier essentiel mais délaissé.