Cette proposition de loi vise à reconnaître une profession indispensable à l'administration des communes. Les professions essentielles ne sont pas systématiquement reconnues ; c'est pour corriger une partie de cette injustice que ce texte vise à revaloriser le métier des secrétaires de mairie.
Ces derniers, qui sont en général des femmes, ne sont pas les secrétaires des maires. Ils sont, en fonction des besoins et des communes, agents d'état civil, gestionnaires des écoles, des opérations funéraires ou du personnel, juristes, responsables des marchés, chargés du budget – je pourrais continuer longuement tant la liste de leurs missions est longue. Être secrétaire de mairie, c'est faire preuve de polyvalence et de technicité, et avoir un sens aigu de l'adaptation face aux situations du quotidien. Facteur de difficulté supplémentaire, ces missions sont souvent exercées en grande autonomie, pour ne pas dire parfois dans une certaine solitude, notamment dans les communes rurales.
Cette fonction est exercée, dans les communes de moins de 3 500 habitants, par des agents des trois catégories : ce sont des adjoints administratifs territoriaux en catégorie C, des rédacteurs territoriaux en catégorie B, ou des attachés territoriaux, voire des membres de l'ancien corps des secrétaires de mairie, mis en extinction en 2001. La catégorie dépend souvent de la strate de la commune, associée au nombre d'habitants, et du niveau de responsabilité qui en découle. Au total, 23 000 secrétaires de mairie exercent leurs fonctions dans plus de 30 000 communes. Une partie d'entre eux travaille dans plusieurs communes, à temps partiel.
La profession fait face à deux grands défis que la proposition de loi souhaite relever. Tout d'abord, un manque de reconnaissance et de visibilité. Ainsi, les missions correspondent souvent à un niveau de catégorie B, alors que 60 % des secrétaires de mairie appartiennent à la catégorie C. Leur évolution vers la catégorie B est l'un des principaux objectifs de la proposition de loi. Ensuite, ce métier en tension fait face à une crise d'attractivité. Il manque près de 2 000 secrétaires de mairie en France, et la pyramide des âges de la profession aura pour conséquence qu'un tiers des secrétaires de mairie partiront à la retraite d'ici 2030.
Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de travaux récents du Sénat, comme la mission d'information conduite par nos collègues Di Folco, Durain et Vial ou la proposition de loi de Céline Brulin adoptée le 6 avril. Ses principales dispositions concernent le recrutement et la progression des secrétaires de mairie d'une part, leurs conditions de travail et de formation d'autre part. En outre, la proposition de loi inscrit cette fonction dans le code général des collectivités territoriales, consacrant ainsi sa reconnaissance législative.
Plusieurs articles permettent de faciliter le recrutement et la progression de carrière des secrétaires de mairie. Les deux premiers articles facilitent la progression de la catégorie C vers la catégorie B. L'article premier instaure une voie de promotion exceptionnelle permettant aux agents de catégorie C exerçant déjà les fonctions de secrétaire de mairie d'être nommés dans un cadre d'emplois de catégorie B. Cette voie de promotion est dérogatoire, dans la mesure où elle s'affranchit la règle de droit commun qui impose une proportionnalité entre les recrutements intervenant au titre de la promotion interne et les autres recrutements. Elle est aussi provisoire, puisqu'elle est valable jusqu'au 31 décembre 2028. Les conditions d'ancienneté dans les missions de secrétaire de mairie et de grade seront à définir. L'article 2 crée une autre voie de promotion interne, pérenne, grâce à la formation qualifiante. En l'occurrence, il permet aux agents de catégorie C exerçant des fonctions de secrétaire de mairie de passer en catégorie B après avoir suivi une formation qualifiante. Par ailleurs, afin de favoriser la promotion interne des secrétaires de mairie, toutes catégories confondues, l'article 2 ter prévoit que les listes d'aptitudes comprennent une part minimale de fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaire de mairie. Cette part minimale sera fixée par décret. Enfin, par pragmatisme et parce que le recrutement reste difficile, l'article 4 relève de 1 000 à 2 000 habitants le seuil au-dessus duquel les communes peuvent recruter de plein droit des agents contractuels à temps plein pour leurs emplois de secrétaire de mairie.
À la suite des auditions que j'ai menées, un consensus s'est imposé pour que les secrétaires de mairie puissent uniquement être recrutés, à l'avenir, en catégorie B. Ce serait une avancée cohérente avec les apports de la proposition de loi pour revaloriser ce métier compte tenu des compétences et des responsabilités que ces fonctions requièrent. Hélas, les dispositions de l'article 40 de la Constitution ne le permettent pas, au motif que cela pourrait entraîner une charge supplémentaire pour les communes. Néanmoins, l'article 5 demande au Gouvernement la remise d'un rapport sur la requalification en catégories A et B des emplois de secrétaire de mairie, dont l'objectif serait d'engager des discussions à ce sujet.
S'agissant de la formation des secrétaires de mairie, l'article 2 ter A prévoit la remise, par le Gouvernement, d'un rapport sur la création d'une filière universitaire préparant au métier de secrétaire général de mairie. Même si des initiatives éparses existent, notamment sous la forme des diplômes universitaires (DU) préparant au métier de secrétaire de mairie, il n'existe pas de cursus unifié. Une fois en poste, les secrétaires de mairie doivent pouvoir bénéficier rapidement d'une formation en fonction des besoins des collectivités. C'est l'objet de l'article 2 bis. Les dispositions de droit commun en matière de formation des fonctionnaires territoriaux sont encore insuffisantes pour le plein exercice de ce métier exigeant. Enfin, il est souhaitable que les secrétaires de mairie puissent s'échanger les bonnes pratiques et des conseils. Cela existe dans de nombreux territoires, mais pas partout. Aussi l'article 2 bis A confère-t-il aux centres de gestion une compétence d'animation du réseau départemental des secrétaires généraux de mairie. En l'état du texte, cette compétence est obligatoire. Je présenterai un amendement pour la rendre facultative, afin de ne pas brider les initiatives qui existent déjà, sous l'impulsion d'associations d'élus par exemple.
En améliorant la formation et l'accompagnement des secrétaires de mairie par leurs pairs, ces dispositions participent à l'amélioration de leurs conditions de travail et à l'attractivité de leur métier. D'autres axes de travail permettraient de revaloriser ce métier, en particulier sur le plan financier, mais ils ne relèvent pas du pouvoir législatif et seraient irrecevables.
De l'aveu de certaines personnes auditionnées, les secrétaires de mairie sont parfois les premières à s'autocensurer sur les questions de salaire et de primes, conscientes des marges de manœuvre financières parfois limitées des communes. Leur travail mérite pourtant une meilleure reconnaissance. Le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIRSEEP), par exemple, est loin de bénéficier à tous les secrétaires de mairie en poste, certaines collectivités ne s'étant pas emparées de cet outil pas toujours simple à manier.
Je vous invite à voter cette proposition de loi afin d'offrir de meilleures perspectives aux secrétaires de mairie et de permettre aux communes concernées de continuer à compter sur ces agents indispensables à leur fonctionnement.