Madame Ménard, le ministère de l'intérieur a deux grandes dettes : une dette numérique, que nous résorbons, et une dette immobilière, qui est effectivement très importante et qui ne tient pas seulement aux locaux des gendarmes, mais qui concerne également la police et les préfectures. Pendant longtemps, en effet, le ministère de l'intérieur a connu une augmentation très importante de ses dépenses de titre 2 (T2), c'est-à-dire des dépenses de personnel, tandis que les crédits hors T2, consacrés à l'immobilier, ne suivaient ni l'augmentation des effectifs ni le changement de mode de vie de nos concitoyens. Faire réaliser les constructions destinées aux gendarmes par les collectivités locales et payer des loyers pouvait sembler initialement moins intéressant que d'être propriétaire des locaux, mais les loyers n'ont pas augmenté autant que nécessaire pour réaliser des travaux de rénovation et les communes, principalement les petites, ont commencé à rencontrer de grosses difficultés – et je ne parle même pas des cathédrales que sont les grandes casernes comme celle de Satory, qui pose des problèmes très importants.
Nous avons donc consacré à cette question d'importants moyens supplémentaires – plus de 300 millions votés au titre de la Lopmi – mais ils ne suffiront pas non plus. Bien que ces questions relèvent essentiellement du ministre des comptes publics, nous y travaillons beaucoup et imaginons deux modes de gestion totalement différents. La première solution consisterait en une foncière dans laquelle l'État partagerait son action avec le privé, tout en restant majoritaire, pour réaliser des travaux liés à la transition énergétique ou des rénovations plus lourdes. La gestion de l'immobilier public de l'État, en particulier des brigades de gendarmerie et des commissariats de police, madame Brocard, est d'abord une question de fonctionnement, car l'État ne sait pas toujours très bien gérer son domaine public, qui est en outre très grand. Par ailleurs, le ministère de l'intérieur, présent partout sur le territoire national – et même international compte tenu des outre-mer – doit faire face à des conditions d'intervention très diverses, de la petite brigade de campagne à la grande préfecture. La difficulté de gestion et donc très importante.
La deuxième formule serait la conclusion d'un partenariat public-privé. La construction d'une partie des 239 nouvelles brigades et la reconstruction des casernes plus importantes peuvent passer par une massification des appels d'offres. Le territoire français serait divisé en plusieurs régions, ce qui permettrait de faire jouer la concurrence pour ces partenariats dans lesquels l'État resterait finalement propriétaire. En effet, cette erreur que les ministres de l'intérieur ont souvent commise par le passé de déléguer aux collectivités locales la construction tout en payant des loyers nous expose aux difficultés de la dette immobilière.
Nous résolvons donc peu à peu le problème : 750 brigades de gendarmerie ou commissariats de police ont été rénovés ou reconstruits depuis que je suis ministre de l'intérieur, mais beaucoup reste à faire.
Pour ce qui concerne la sous-consommation des crédits de personnel en 2022, je m'inscris en faux contre ce qui a été affirmé et je l'ai d'ailleurs exprimé dans ma réponse à la Cour des comptes. Le nombre des démissions, même s'il est toujours intéressant à analyser, est largement à relativiser. Ainsi, de nombreuses démissions de gardiens de la paix tiennent au fait que la démission est formellement indispensable pour devenir officier – il en est de même pour la gendarmerie. Cela a de fortes conséquences lorsque la promotion interne est importante, comme c'est le cas dans la police nationale, où 50 % des gardiens de la paix deviennent officiers ou commissaires.
Pour ce qui est de l'attractivité, je serais encore plus circonspect, les chiffres de 2023 ne vérifiant nullement ceux de 2022, où se posait la question particulière du taux de chômage. En effet, lorsque le taux de chômage est bas, la fonction publique fait moins office de valeur refuge. Cela vaut autant pour le ministère de l'intérieur que pour celui des armées, qui a fait savoir qu'il avait du mal à recruter, et pour d'autres ministères.
Cela ne signifie pas que les missions ne soient pas difficiles : il faut travailler sur le sens de la mission, la formation, l'attractivité de la carrière, madame Regol l'a dit. Je suis moins en accord avec la position des Écologistes et de La France insoumise à propos des suicides : si des mots plus positifs étaient prononcés à l'endroit de la police nationale, peut-être les policiers se sentiraient-ils mieux dans leur métier. Les manifestations où l'on dit aux policiers « Suicidez-vous ! » ou « la police tue » ne sont pas ce qu'il y a de mieux pour cela, ni les attaques de monsieur Mélenchon.
Pour ce qui est de l'attractivité de l'administration territoriale de l'État, je ne sais pas où vous avez vu, madame Regol, que les crédits baissaient, puisqu'ils passent de 2,3 à 2,6 milliards, ce qui représente 232 équivalents temps plein supplémentaires en 2024. Il n'y a jamais eu d'augmentation aussi importante dans l'administration territoriale et, dans les préfectures, les crédits comme les effectifs augmentent.
Pour la Guyane et plus largement les outre-mer, j'ai évoqué des augmentations d'effectifs pérennes, avec plus de 30 % de policiers supplémentaires hors escadrons de gendarmerie mobile, notamment en Guyane. Quant à l'opération Harpie, menée en commun par la police, la gendarmerie et les militaires, il faut sans doute augmenter la posture et changer le fonctionnement de l'opération car ceux qui pratiquent l'orpaillage illégal, polluant et pillant la terre de Guyane et multipliant les règlements de comptes, s'adaptent. Le Président de la République a donc demandé d'imaginer une nouvelle opération Harpie, dont nous aurons l'occasion de reparler.
Vous avez raison de dire que les escadrons de gendarmerie, à l'exception de ceux qui se tiennent à l'aéroport de Guyane et de ceux qui sont parfois affectés au maintien de l'ordre public, pourrait être davantage utilisés pour l'opération Harpie, où ils veillent au respect de la terre des Guyanais. Vous m'avez demandé rendez-vous et je vous recevrai bien volontiers pour en parler.
Les vingt-et-un escadrons de gendarmerie mobile mobilisés pour l'ensemble de l'outre-mer y resteront, y compris pendant les Jeux olympiques, et seront même renforcés en Polynésie française pendant les épreuves de surf.
Pour ce qui est des dépenses de formation, j'ai un peu de mal à comprendre la démonstration. Il n'est pas juste qu'il n'y ait aucun ETP supplémentaire. Les crédits de formation en personnel ne baissent pas – soit il y a des coquilles dans le document budgétaire, soit il faudra le relire ensemble : ils sont passés de 23 millions en 2022 à 29 millions en 2023 et seront de 30 millions l'année prochaine, avec 4 500 équivalents temps plein et 72 ETP recrutés et créés, en sus des policiers qui basculent dans la formation.
Le dispositif FR-Alert est efficient sur l'ensemble du territoire national, à l'exception de La Réunion, de Mayotte et des Antilles. Il est très efficace et sera renforcé. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Pour ce qui est du FIPD, madame Regol, je ne partage pas votre lecture des chiffres, qui augmentent alors que vous avez déclaré qu'ils baissaient : les crédits s'élèvent, tous prélèvements confondus, à 80 millions en 2022, 84 millions en 2023, 87 millions en 2024 et 94 millions en 2025. Tout ne va pas à des caméras de vidéoprotection puisqu'elles ne comptent que pour 22 millions en 2023 et 25 millions en 2024.
Les premières livraisons de Canadair, qui concrétiseront l'une des annonces du Président de la République, interviendront au début de 2026. Nous avons, vous le savez, une difficulté liée au site de l'usine de production, mais nous devons également nous battre pour obtenir des livraisons dans les délais puisque nos amis Canadiens, qui ont connu des incendies très importants, ont voulu donner priorité à leurs chaînes de montage.
L'intégralité des policiers et gendarmes sortant de l'école de police sont formés au traitement des violences intrafamiliales, et l'on en est à 80 % pour l'ensemble des policiers et gendarmes au contact avec le public. Je rappelle cependant que, sur cent féminicides, trente sont connus des forces de l'ordre et soixante-dix ne le sont pas. On peut certes améliorer encore largement le travail des policiers et des gendarmes dans ce domaine – nous multiplions ainsi les plaintes à domicile et généraliserons la visioplainte – mais il reste aussi beaucoup de choses à faire avec la communauté de ceux qui peuvent dénoncer ces violences, y compris le monde médical, qui est souvent le premier à les constater. Je ne partage pas l'opinion qui a été exprimée à propos de l'accueil des victimes et chacun constate les énormes efforts déjà réalisés par la police et la gendarmerie dans ce domaine.
Nous avons encore augmenté cette année les crédits de paiement destinés au logement des gendarmes, et vous avez dû en constater le bénéfice dans votre circonscription, madame Ménard. Mais le ministère de l'intérieur a une dette immobilière très importante et nous devons changer de braquet pour répondre aux attentes des gendarmes et de leurs familles, qui vivent dans des conditions souvent difficiles.
Madame Martin, je ne sais pas où vous avez trouvé le chiffre de 6 000 OPJ au contact du public. La police compte en effet 17 000 OPJ, dont 4 500 à la direction nationale de la police judiciaire : du simple au triple… Du reste, quand on réclame des OPJ tout en ayant voté contre la Lopmi, qui prévoyait leur formation dès l'école de police, on ne craint pas les contradictions.