Au moment de présenter, pour la deuxième année consécutive, ce rapport pour avis sur les crédits de la mission Sécurités consacrés à la sécurité civile, je tiens à saluer et à remercier pour leur engagement l'ensemble de nos forces de secours, en particulier les pompiers professionnels et volontaires des Sdis de chacun de nos territoires.
Pour ce qui est de l'analyse du budget, les crédits du programme 161 Sécurité civile s'élèvent à 734,6 millions d'euros, en hausse de 2,9 % par rapport à l'exercice précédent. C'est une augmentation de l'ordre de 0,3% en prenant en compte la perspective d'inflation, sachant que ces crédits étaient en forte augmentation l'année dernière. Pour l'année 2024, ils s'inscrivent dans la tendance à la hausse des crédits prévue par la Lopmi.
Je tiens, monsieur le ministre, à saluer votre annonce à l'instant de 140 millions supplémentaires, qui comprennent 45 millions pour la création de la quatrième unité d'instruction de sécurité civile qui s'installera à Libourne, 163 ETP, 39 millions au titre des pactes capacitaires qui irrigueront nos départements, 32 millions pour des Canadair et 23 millions pour la location de moyens aériens – avions, hélicoptères et bombardiers d'eau.
Le programme Sécurité civile se décompose en quatre actions : Prévention et gestion de crises, Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux – où figurent les montants les plus importants –, Soutien aux acteurs de la sécurité civile et Fonctionnement, soutien et logistique. Le programme 161 ne représente en réalité qu'une faible part du budget total de la sécurité civile, qui s'est élevé, l'an passé, à plus de 7 milliards d'euros consolidés. Le budget global de la sécurité civile est principalement assumé par les collectivités territoriales, en particulier par les départements, qui sont les principaux financeurs des Sdis. Il faudra donc nous pencher sur le financement des Sdis dans l'avenir.
Le nombre de sollicitations des Sdis ne cesse de croître. Il s'élevait à 4,7 millions en 2021 et à près de 5 millions en 2022, dont les trois quarts pour du secours à victime. Cette augmentation continue de la charge des Sdis est largement supportée par les collectivités territoriales, pourtant financièrement à bout de souffle. Pour répondre à cette importante demande d'assistance et de secours, la France devra compter 220 000 sapeurs-pompiers volontaires et 50 000 professionnels en 2027, et investir lourdement en matériel pour accompagner ce déploiement et moderniser l'action de nos pompiers. C'est pourquoi il faut réfléchir à de nouvelles sources de financement de notre modèle de sécurité civile.
Cela m'amène à la notion que j'ai choisi de mettre en valeur cette année dans la partie thématique de mon rapport : la valeur du sauvé, un notion quelque peu novatrice dans le domaine de la sécurité civile. Objet d'études académiques depuis plusieurs années, ce concept est principalement utilisé dans le domaine de la lutte contre l'incendie. Il vise à quantifier les avantages économiques résultant des interventions des Sdis et des pompiers, en faisant la différence entre les dommages réels constatés lors d'incidents et la valeur totale des vies, des biens et de l'environnement préservés grâce à l'action de nos pompiers.
En France, vingt-sept Sdis proposent ce calcul, sur une ou plusieurs opérations, de la valeur du sauvé. Je remercie les représentants des Sdis des Bouches-du-Rhône, de l'Hérault et du Loiret qui m'ont présenté leurs méthodes de calcul. Au sein de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), un groupe de travail que vous avez initié, monsieur le ministre, a été mis en place le mois dernier : il rassemble les représentants de Sdis expérimentateurs et des personnalités qualifiées, pour travailler sur cette notion encore prospective. Je recommande que ce groupe de travail élabore des indicateurs communs ainsi qu'une méthodologie uniforme de calcul de la valeur du sauvé. Pour être efficace, il doit associer plus largement toutes les parties prenantes, en particulier les assureurs – qui financent les Sdis par le biais de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) et qui sont disponibles pour participer à une telle démarche – mais aussi les élus locaux, notamment les représentants des départements et des communes.
Les réflexions en cours sur la valeur du sauvé sont susceptibles de nourrir les débats sur l'évolution du financement des Sdis. Mon avis développe à cet égard trois pistes. Tout d'abord, la clé de répartition de la part dynamique de la TSCA devrait être modernisée. Des travaux sont en cours à ce sujet. Ils doivent prendre en compte des critères qualitatifs, comme la valeur du sauvé, afin de mieux répartir cette ressource parmi les Sdis.
Deuxièmement, je souhaite qu'on puisse réfléchir, et, le cas échéant, mettre en place un fonds alimenté par une contribution générale des assurances et reposant notamment sur la valeur du sauvé. Monsieur le ministre, ces deux premières recommandations figurent dans le rapport Falco remis au Président de la République il y a quelques mois : quelle est votre position ? Plus largement, pouvez-vous nous indiquer l'état des négociations avec l'ensemble des parties prenantes concernant l'évolution du modèle de financement des Sdis ? Quelles suites le Gouvernement compte-t-il donner au rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) sur ce sujet, prévu par la loi Matras et transmis en fin d'année dernière au Parlement ?
Troisième piste, la TSCA est actuellement reversée à plusieurs bénéficiaires, dont les départements, la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Une fraction supplémentaire de la TSCA pourrait être transférée aux départements au titre du financement des Sdis. Je rappelle que les carences ambulancières ont augmenté de 90 % entre 2012 et 2021 et représentent près de 650 000 interventions. Seriez-vous favorable à une telle évolution ?
Enfin, la valeur du sauvé peut constituer un cas simple et pédagogique de visualisation et de valorisation de l'action publique de nos services de secours et donc de nos pompiers. Elle pourrait trouver une illustration concrète avec le versement d'une part de la taxe de séjour au titre du financement des services d'incendie et de secours. La prestation proposée par nos sapeurs-pompiers a de la valeur ; elle a un coût, que l'usager pourrait prendre en charge pour sa sécurité. Quel regard portez-vous sur la notion de valeur du sauvé ? Si je mesure son caractère encore expérimental, je l'estime prometteuse pour l'avenir. Quelle place pourrait-elle occuper dans les débats actuels sur le financement de nos services d'incendie et de secours ?