En tant que rapporteur pour avis de la mission Sécurités pour ce qui est des crédits relatifs à la sécurité, je vous présenterai les programmes Police nationale, Gendarmerie nationale et Sécurité et éducation routières.
Plus que jamais, à l'heure où notre pays et nos voisins européens sont confrontés à une multitude de menaces, le renforcement de notre arsenal sécuritaire par des moyens législatifs et financiers est indispensable. À cet égard, je ne saurais commencer ma présentation sans avoir une pensée pour M. Dominique Bernard, enseignant assassiné dans son lycée il y a quelques jours par un terroriste islamiste, ainsi que pour les deux ressortissants suédois assassinés par un fanatique islamiste hier à Bruxelles. Notre lutte pour venir à bout de ce fléau doit donc être inébranlable.
Le budget présenté par le ministre de l'intérieur s'inscrit dans une trajectoire en hausse constante depuis 2017, qui s'amplifie depuis le début de la législature. Les crédits de paiement affectés à la police nationale observent ainsi une augmentation de plus de 4,5 % et s'élèvent à 12,9 milliards en crédits de paiement. Ceux de la gendarmerie progressent de la même façon et atteignent près de 10,4 milliards. Si l'ordre de grandeur n'est pas comparable, le programme Sécurité et éducation routières bénéficie également d'une forte revalorisation, à hauteur de 109 millions pour 2024, soit une hausse de plus de 46 %.
Au total, les budgets de la police et de la gendarmerie nationale présentent une hausse cumulée de plus de 1 milliard d'euros par rapport à 2023. Cette évolution témoigne de l'engagement du Gouvernement et de notre majorité parlementaire à renforcer puissamment et durablement les moyens nécessaires consacrés à la sécurité de nos compatriotes de métropole et d'outre-mer. La loi du 24 janvier 2023, cette Lopmi approuvée à une très large majorité par l'Assemblée nationale et le Sénat, s'inscrit pleinement dans cette perspective. Plus de 2 000 policiers et gendarmes s'ajouteront, l'année prochaine, aux effectifs actuels : nous l'avons dit et répété, la présence accrue des bleus sur le terrain n'est ni un slogan ni un vœu pieux, mais plus que jamais une réalité.
Je n'entrerai pas dans le détail de la répartition des crédits au sein de chaque programme et action, M. Darmanin ayant déjà brossé un tableau précis des ressources humaines et matérielles dont disposeront les forces de sécurité l'année prochaine.
L'année 2024 sera marquée par l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques. La sécurisation de cet événement planétaire constitue bien sûr un enjeu colossal à l'heure où la menace terroriste est encore très élevée, les événements tragiques de ces derniers jours nous le rappellent cruellement. À cet égard, j'appelle, monsieur le ministre, votre attention sur deux points en particulier.
Premièrement, la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a créé la réserve opérationnelle au sein de la police nationale, avec un objectif ambitieux de 30 000 réservistes à l'horizon 2030, dont 70 % issus de la société civile. Un an après son lancement, quel est le nombre de réservistes recrutés et de vacations déjà réalisées ? Plus généralement, quel premier bilan peut-on tirer de ces débuts ?
Deuxièmement, la loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 a autorisé le recours, à titre expérimental, à des traitements algorithmiques pour déceler, dans un cadre très strict, des événements anormaux filmés par des caméras de vidéoprotection et susceptibles de présenter un risque pour la sûreté et la sécurité des personnes. Un décret d'application a été publié le 28 août dernier. Que pouvez-vous nous dire sur l'état d'avancement des procédures de marché, le calendrier et le contenu des phases de test préalables à la mise en œuvre de ces technologies ?
J'ai choisi de consacrer cette année la partie thématique de mon rapport pour avis aux missions de la police scientifique, exercées tant par les agents de la police nationale que par les militaires et les civils de la gendarmerie nationale.
La police scientifique a pour objectif d'aider à l'identification des auteurs d'infractions délictuelles et criminelles grâce à des techniques de recueil et d'analyse de traces et d'indices. Elle intervient aussi dans d'autres domaines, par exemple pour identifier les victimes de catastrophes. Il s'agit d'une mission décisive afin d'élucider un nombre toujours plus important d'affaires. Concrètement, son activité représente une intervention toutes les deux minutes, avec la production de plus d'un million d'analyses. Les experts de la gendarmerie et de la police se déploient ainsi sur de multiples terrains, qu'il s'agisse de la balistique, de la biologie ou du numérique. Ils représentent donc un élément clef d'une police et d'une gendarmerie modernes et efficaces.
Si les progrès de la technologie peuvent offrir de nouvelles opportunités aux délinquants et aux réseaux criminels, ils constituent également un atout précieux pour faciliter les investigations judiciaires. Comme Philippe Latombe et Philippe Gosselin l'avaient souligné dans leur rapport d'information sur les images de sécurité, de nouveaux enjeux se dessinent plus particulièrement autour de la manipulation d'images ou de sons – le deep fake.
La lutte contre ces phénomènes en pleine expansion nécessite de forts investissements matériels, mais aussi humains. Il est impératif que nos équipes de police scientifique, autant dans la police que dans la gendarmerie, soient dotées des meilleurs ingénieurs et informaticiens afin de détecter ces pratiques qui peuvent nourrir des chantages et escroqueries à grande échelle.
Je me suis rendu à Pontoise, à l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), et à Écully, près de Lyon, au Service national de la police scientifique (SNPS). J'ai pu mesurer la compétence, le professionnalisme et le dévouement de tous leurs personnels, civils comme militaires. Leur projection au-delà de nos frontières – encore récemment en Ukraine ou à Beyrouth – montre que leur excellence est reconnue dans le monde entier.
Je tiens cependant à insister sur le recrutement de profils très spécialisés, notamment en matière informatique : il me paraît nécessaire de consentir un effort budgétaire supplémentaire pour réduire l'écart existant avec les rémunérations du secteur privé, en utilisant par exemple le volet indemnitaire, pour attirer et fidéliser de jeunes ingénieurs et informaticiens à leur sortie d'école.
La Lopmi a utilement permis de simplifier le cadre procédural dans lequel agit la politique scientifique. Au-delà des assouplissements juridiques, les ressources humaines et matérielles dont bénéficient l'IRCGN et le SNPS sont l'une des garanties principales de l'efficacité des missions que mènent l'ensemble de nos forces de l'ordre de sécurité intérieure. Nous devons en être pleinement conscients.