Intervention de Charles de Courson

Réunion du mardi 24 octobre 2023 à 17h20
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson, rapporteur spécial :

La mission Administration générale et territoriale de l'État (AGTE) porte essentiellement les moyens et les emplois du réseau des préfectures ainsi que ceux de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et des outre-mer, hors police, gendarmerie et sécurité civile. Le projet de loi de finances propose une hausse de près de 2 % de ses crédits de paiement, qui atteindront 4,7 milliards d'euros en 2024.

La principale augmentation concerne le programme 232, Vie politique, en raison de l'organisation des élections européennes qui se dérouleront le 9 juin 2024. Celles-ci vont nécessiter l'ouverture de 138 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2023, année marquée par l'absence de scrutin d'envergure nationale au suffrage direct. Au total, elles devraient coûter 180 millions d'euros en 2024, soit 3,37 euros par électeur inscrit, contre 112 millions en 2019, c'est-à-dire 2,78 euros par électeur inscrit.

Le programme 354 Administration territoriale de l'État devrait quant à lui connaître une reconduction de ses crédits quasi à l'identique par rapport à la dernière loi de finances – une reconduction synonyme de consolidation, dans la mesure où celle-ci actait une hausse inédite de 7 % afin de « réarmer » les préfectures. Ce renforcement de l'administration territoriale de l'État devrait également se traduire par un schéma d'emploi positif de 232 équivalents temps plein (ETP), soit une augmentation de 0,5 %.

Je reviendrai dans quelques instants sur la question des effectifs, sujet auquel j'ai consacré une partie importante de mes travaux de rapporteur spécial cette année. Avant cela, je terminerai la présentation du budget de la mission AGTE pour 2024 en relevant la hausse considérable des autorisations d'engagement du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur, de l'ordre de 737 millions d'euros, soit une augmentation de 15 %. Elle résulte essentiellement de l'engagement d'importantes dépenses sur la phase de construction du nouveau site de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen.

J'en viens à deux sujets qui me semblent importants pour la mission AGTE, et plus particulièrement pour le programme 354 Administration territoriale de l'État, qui concentre plus de la moitié de ses crédits. Le premier concerne sa performance, s'agissant notamment des délais de délivrance des cartes d'identité et des passeports. Souvenons-nous que la crise des titres a commencé au printemps 2022 ; le ministère de l'intérieur nous disait alors qu'elle n'était que la conséquence d'un effet de rattrapage post-covid. J'y ai consacré mes travaux du Printemps de l'évaluation et je suis arrivé à la conclusion que l'accroissement considérable des délais d'obtention était en réalité le résultat d'une mauvaise conception de la chaîne de délivrance elle-même, qui repose sur le volontariat des communes ayant souhaité accueillir un dispositif de recueil (DR). En effet, les retards s'observent dès la phase d'obtention du rendez-vous, et beaucoup moins lors de l'instruction du dossier et de la production du titre.

Un an et demi plus tard, où en sommes-nous ? Au printemps dernier, nous avons de nouveau connu des délais considérables : au mois de mars, il fallait en moyenne patienter deux mois et demi pour pouvoir faire enregistrer sa demande. En comptant la phase d'instruction, trois mois étaient donc nécessaires pour renouveler sa carte d'identité ou son passeport ; difficile, à l'approche de l'été 2023, de parler encore de rattrapage post-covid. Je continue de penser qu'il faut mieux indemniser les communes qui disposent d'un DR et mieux encadrer leur offre de rendez-vous.

Le second thème saillant de la mission AGTE concerne ses effectifs. Au cours des quinze dernières années, l'administration préfectorale a connu trois réformes : la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) en 2010, la fusion des régions en 2016 et enfin le plan Préfectures nouvelle génération (PPNG) en 2017. Elles ont conduit à ce que les effectifs rémunérés par le programme qui nous intéresse baissent d'environ 15 % en l'espace d'un peu plus d'une décennie. Au cours de cette période, chaque projet de loi de finances annonçait un schéma d'emplois négatif, autour de 433 ETP en moyenne annuelle soit l'équivalent de – 1,5 % chaque année. À partir de 2021, le schéma est devenu neutre pour la première fois, avant d'être positif à compter de 2023. Partant de ce constat, j'ai voulu savoir si cette trajectoire était propre aux seuls services déconcentrés et quelles missions elle avait touchées. Comme je l'imaginais, il apparaît que les emplois en administration centrale rémunérés par la mission AGTE ont augmenté dans le même temps à hauteur de 1 000 ETP environ, et que ce sont les missions liées à l'instruction des titres, à l'organisation des élections, au contrôle de légalité ou à la représentation de l'État qui ont perdu le plus d'emplois. Toutefois, le renforcement des préfectures ne saurait se limiter à la seule question des schémas d'emplois, d'une part parce qu'elles souffrent d'un déficit d'attractivité important pouvant être aggravé dans un département à la démographie déclinante, d'autre part parce qu'il apparaît nécessaire de mieux allouer les ressources humaines entre territoires. J'ai pu comprendre, au cours de mes déplacements, que le dialogue de gestion entre l'administration centrale et le niveau départemental est en réalité quasi inexistant, s'agissant de la répartition des effectifs que nous votons.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion