« Sécuriser et réguler l'espace numérique » : vaste ambition, indissociable d'autres régulations, en l'occurrence celle des rapports sociaux trop souvent dégradés, et celle du libéralisme effréné sur lesquels prospèrent mercenaires de la toile et autres criminels des plateformes.
En effet, chacun le sait, la toile est à l'image du monde. Les tensions qui la secouent, les usages qui en sont faits et qui menacent les plus vulnérables, tout comme, parfois, notre économie, ne sont que des symptômes d'une société qui va mal. Pour sécuriser cet espace, rien ne sera plus efficace que l'éducation, la culture, des politiques de justice ou d'apaisement social, c'est-à-dire tout ce qui nous permettra de prévenir et de traiter la cause plutôt que la conséquence.
Ce texte aurait-il vu le jour sans le travail de l'Union européenne ? Je ne le crois pas, et je voudrais saluer l'Europe qui, dans ce domaine, nous ouvre la voie par ses règlements. L'Union européenne est la seule grande démocratie au monde qui n'attend pas que les plateformes se régulent d'elles-mêmes.
Ce projet de loi contient des avancées. Gageons que les publics les plus jeunes n'accéderont plus aussi facilement à des contenus pornographiques, que le cyberharcèlement sera mieux sanctionné, que les autorités administratives indépendantes seront plus efficaces dans le contrôle des plateformes. Sur toutes ces questions, nous avons veillé à ce que soit préservé l'équilibre du texte, texte qui doit combattre les activités illégales, mais sans restreindre les libertés ; qui doit favoriser la réactivité des autorités indépendantes, mais sans jamais écarter le juge en dernier ressort.
Enfin, le projet de loi s'attaque aux pratiques anticoncurrentielles des grandes plateformes, notamment dans le secteur du cloud : dans ce domaine également, le crédit en revient à l'Union européenne.
Aux côtés de ces avancées, figurent aussi des regrets. En effet, l'article 15, relatif aux Jonum, gâche quelque peu l'économie générale du texte, monsieur le ministre délégué. Nous avions l'occasion de traiter des jeux illégaux et de la sensibilisation aux pratiques addictives : vous avez fait le choix, assumé jusque dans les propos de certains députés, de prétexter un soutien à l'innovation française, et ce quoi qu'il en coûte, notamment pour la santé des plus jeunes.
Le développement fulgurant ou le caractère précurseur de certaines start-up françaises, dont Sorare évidemment, semblent vous aveugler. Vous avez ainsi jeté par-dessus bord l'objectif de protection des mineurs.
Sorare détient le triste record d'être valorisé à 5 milliards d'euros, pour seulement quelques dizaines d'emplois créés. Il montre qu'on peut bâtir des empires ultracapitalistiques qui ne servent que des intérêts particuliers, conserver un cadre juridique flou mais bien utile, cibler un public vulnérable, tout en recevant la reconnaissance du Gouvernement.