Je dois d'abord vous dire que c'est en me fondant sur les écrits du ministère des transports que j'ai élaboré le projet de cette commission d'enquête. En effet, on vous avait confié pour mission de bâtir la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire. Or l'appréciation qui est portée dans ce document sur l'ouverture du secteur à la concurrence est particulièrement claire : il y est question d'« une déstabilisation de l'opérateur historique ». La libéralisation a été mal préparée et s'est faite, est-il écrit, « au détriment du développement global de la part modale du fret ferroviaire ». Il en est de même à propos de la politique européenne en la matière : la réglementation est « essentiellement liée à des considérations concurrentielles », « exacerbant les tensions sans soutenir […] les segments de marché structurellement déficitaires ». Comme le temps passe vite, je vous propose de me faire parvenir un commentaire écrit sur le diagnostic que vous livriez alors, ou tout du moins que votre ministère livrait en guise de présentation de la stratégie nationale. Votre appréciation fine et détaillée permettra d'éclairer ce document.
Ne considérez-vous pas qu'avec la loi de 2018, qui a modifié le statut juridique du groupe, vous avez « lâché les chiens » sur Fret SNCF ? Comme vous l'avez dit, les plaintes remontaient à 2015. Bon an mal an, tout continuait comme avant : la Commission demandait des informations, mais il y avait face à elle la volonté politique d'un ministre, et aucune procédure n'avait été enclenchée. Un établissement public industriel et commercial (EPIC), c'est solide : la structure est adossée à l'État. Or, à partir du moment où la SNCF est devenue une société anonyme (SA), elle a été moins épaulée. On a le sentiment qu'une brèche s'est ouverte à ce moment-là, ce qui a conduit au lancement de l'enquête début 2023. J'ai l'impression que, peut-être à votre corps défendant, les conditions se sont alors trouvées réunies : c'était la chronique d'une mort annoncée. En 2005, l'échéance pour la transformation en SA de Fret SNCF était mentionnée dans l'accord intervenu entre la France et la Commission européenne sur l'aide d'État de 1,5 milliard.