C'est une très bonne nouvelle que l'Assemblée nationale examine ce projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique. En effet, le numérique est au cœur de notre quotidien et je suis convaincu que l'ensemble de nos compatriotes, au-delà des clivages politiques traditionnels, pourront se rassembler sur le texte. Nous y avons tous collectivement beaucoup travaillé en commission lors de débats de grande qualité, à l'instar, je l'espère, de ceux qui se dérouleront en séance publique.
Nous passons désormais plus de temps dans l'espace numérique que dans l'espace public : en moyenne, les Français y passent deux heures par jour. Cette durée s'élève même à quatre heures par jour pour les jeunes de 15 à 24 ans, et continue d'augmenter chaque année.
L'espace numérique comprend les réseaux sociaux, les plateformes de contenu vidéo, les magasins en ligne, les jeux vidéo ou encore les musées en version virtuelle. Il ouvre d'immenses possibilités : c'est un espace de lien et de partage avec les amis, la famille et l'ensemble des membres de la communauté nationale, européenne et mondiale. C'est aussi un fantastique espace de création. C'est enfin un espace de libertés individuelles très étendues, au premier rang desquelles la liberté de s'exprimer et la liberté de s'informer.
Néanmoins, l'espace numérique tient quelque peu du far west. Ainsi, plus de 50 % des jeunes disent avoir déjà subi du harcèlement en ligne, avec des conséquences souvent dramatiques. Je pense au cas très récent de Manon Lanza qui, après son accident lors du GP Explorer 2, a été la cible d'un véritable lynchage, harcelée par les remarques sexistes de la part de milliers d'internautes. Je pense également au suicide de la jeune Lindsay, cyberharcelée à l'école, et à l'appel de sa mère à la puissance publique pour combattre « l'impunité sur les réseaux sociaux, qui ne peuvent pas continuer à gagner de l'argent sur les propos haineux et injurieux ».
Je ne désire pas vivre dans un monde où le sentiment d'impunité en ligne, entretenu par l'anonymat, mène à un suicide toutes les deux semaines à la suite de faits de harcèlement et à un niveau de violence inégalé dans le monde physique.
Par ailleurs, 50 % des arnaques ont désormais lieu en ligne, faisant perdre de l'argent à 9 millions de Français. Nous avons tous reçu, par exemple, des SMS cherchant à nous faire croire à une amende.
En outre, 80 % des enfants – parfois très jeunes – ont été exposés à la pornographie sur internet, ce qui a entraîné, lors de l'adolescence et à l'âge adulte, des troubles comportementaux désormais attestés.
Enfin, les utilisateurs quotidiens des réseaux sociaux, soit 80 % des Français, font l'expérience de la misogynie, du racisme, de l'antisémitisme, de l'islamophobie et de la LGBTphobie à tous les étages. Nous devons trouver les moyens d'y mettre fin.
Le chantier consistant à rendre l'espace numérique aussi civilisé et aussi sûr que l'espace physique est donc immense. Il ne s'agit pas d'inventer de nouvelles règles ni de modifier l'équilibre de nos lois et de notre cadre de liberté, mais de transposer dans l'espace numérique les règles du monde physique. Il n'est pas question de réinventer le fil à couper le beurre, mais simplement de faire en sorte que ce qui est illégal dans le monde physique, conformément aux lois rédigées et votées en France depuis des siècles, le soit également dans le monde numérique.
Concrètement, ce texte issu du travail du Gouvernement et de l'ensemble des députés membres de la commission spéciale nous permettra de combattre le cyberharcèlement à tous les niveaux. Nous instaurerons des mesures d'éducation et de formation des jeunes, des parents et des professeurs. Nous responsabiliserons beaucoup plus fortement les plateformes de réseaux sociaux grâce au DSA. Nous punirons les cyberharceleurs au moyen d'amendes et de la peine de bannissement des réseaux sociaux.
Nous lutterons également contre les arnaques en ligne grâce au filtre anti-arnaque qui doit protéger nos concitoyens des escroqueries quasi quotidiennes dont nous faisons tous l'objet.
Grâce à ce texte, nous pourrons protéger les mineurs de l'exposition à la pornographie en instaurant des solutions et des mesures concrètes.
Le projet de loi constitue aussi l'occasion de mieux réguler certaines activités du monde numérique. Ainsi, nous légiférerons au sujet de l'informatique en nuage afin de renforcer la concurrence, au sujet des jeux à objets numériques monétisables (Jonum) afin de favoriser l'innovation et de protéger les jeunes, ou encore au sujet de la location des meublés de tourisme afin de soutenir les collectivités territoriales.
Enfin, nous effectuerons les changements législatifs nécessaires à l'application des règlements DSA et DMA, actés par l'Union européenne sous présidence française.
Vous le voyez, le chantier est immense. Nous sommes au début de l'histoire de l'espace numérique. Je nous souhaite un excellent travail collectif et me tiens, avec les rapporteurs, à votre entière disposition.