Le rapport d'activité 2022 de l'IGPN sera mis en ligne dans les tout prochains jours. Le rapport annuel relatif à l'accueil des victimes dans les services de police dont nous faisions état lui sera annexé. J'utiliserai des éléments de ces rapports pour répondre à vos questions.
S'agissant de nos moyens, les enquêteurs dont nous disposons sont compétents pour une zone géographique très large. Par définition, l'IGPN ne peut pas être saisie de l'ensemble des faits impliquant des fonctionnaires de police. Nous nous félicitons de l'existence de cellules de déontologie au sein des directions départementales.
Nous disposons de larges moyens légaux, solidement ancrés. La seule modification que nous pourrions souhaiter concerne l'article 11-2 du code de procédure pénale, qui régit la façon dont nous pouvons, en cas de poursuites judiciaires, solliciter de l'autorité judiciaire des éléments de procédure afin de les joindre à l'enquête administrative : nous aimerions voir élargir ces dispositions, afin de disposer plus largement de ces éléments cruciaux. Car, dans le cas des enquêtes administratives, nos moyens sont, et c'est normal, très limités – aucun moyen de contrainte, aucun moyen d'investigation intrusif.
Nous conduisons les enquêtes judiciaires, je l'ai dit, sous l'autorité des magistrats instructeurs. Les enquêtes administratives, nous nous devons de les ouvrir avec célérité et de les mener avec rigueur : le devoir de réaction de l'administration est essentiel. J'insiste sur le fait que nous n'avons qu'un pouvoir de proposition de sanction : nous relevons des manquements, et il revient à l'administration de prononcer les sanctions.
En ce qui concerne les moyens techniques, nous ne pouvons que nous féliciter de l'utilisation accrue des caméras-piétons et des drones, car l'image est fondamentale lors des enquêtes – vous avez tous pu le constater. J'insiste néanmoins sur le fait qu'elle ne peut pas constituer l'alpha et l'oméga d'une procédure, qu'elle soit administrative ou judiciaire. Il serait trop facile de croire que le simple visionnage d'images permet de comprendre les circonstances de la commission des faits et les raisons pour lesquelles le policier a agi d'une certaine manière. S'en contenter serait contraire au devoir de tout bon enquêteur, qui doit instruire à charge et à décharge.
Les caméras-piétons sont un élément de preuve essentiel et nous ne cessons de rappeler aux policiers qu'il faut les activer. Elles ont aussi un rôle sensible pour la désescalade dans la relation du policier avec le citoyen.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué les difficultés auxquelles les policiers sont confrontés. L'IGPN n'est pas déconnectée de la réalité du terrain. Pour autant, nous rappelons toujours que tous les policiers doivent obéir à leur devoir d'exemplarité, en toutes circonstances, quelle que soit l'adversité à laquelle ils font face.
Depuis mon arrivée à la tête de l'IGPN, la question des tirs sur les véhicules en mouvement ne cesse de me préoccuper, mes équipes peuvent en témoigner. Nous devons y réfléchir, autant pour l'institution policière que pour la société. Dans quelles conditions les policiers sont-ils amenés à tirer ? Pour quelles raisons ? Comment les former ? Comment tirer des enseignements des différentes procédures ? En 2022, treize personnes ont été tuées du fait de tirs de ce type. Ce nombre nous conduit nécessairement à nous interroger. Et puisqu'on entend tout et son contraire sur le sujet, je veux rappeler les chiffres exacts : en 2021, 157 tirs sur des véhicules en mouvement avec des armes individuelles ont eu lieu, avec deux morts, pour 138 tirs en 2022 – avec, je le disais, treize morts.
L'article 435-1 du code de la sécurité intérieure – issu de la loi du 28 février 2017 si commentée ces derniers temps – prévoit un régime très strict et précis pour les policiers et les gendarmes. Ce texte, qui concerne spécifiquement leur légitime défense, indique qu'ils ne peuvent faire usage de leur arme qu'en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée.
Nous n'avons de cesse de démontrer notre impartialité et notre indépendance. Lorsque nous sommes saisis de procédures judiciaires, nous ouvrons systématiquement des enquêtes administratives prédisciplinaires. Nous nous devons de récolter des preuves, que nous transmettons à l'autorité judiciaire. Dans le cas des enquêtes administratives ou prédisciplinaires, l'IGPN n'a le pouvoir de prononcer ni des peines, et c'est heureux, ni des sanctions, car c'est ainsi que fonctionne notre institution.
Monsieur Coulomme a évoqué l'utilisation des LBD. Vous verrez dans le rapport annuel 2022 que les chiffres concernant leur emploi sont constants.
Le nombre des procédures judiciaires ouvertes à la suite des émeutes liées au décès dramatique du jeune Nahel à Nanterre a évolué : on en compte désormais vingt-et-une, et non plus dix comme annoncé précédemment. Sans faire état de détails qui porteraient atteinte au secret des investigations en cours, je souligne que ces dossiers sont de nature et de gravité très différentes, et que le nombre de ces procédures n'est pas révélateur en soi.
Madame Karamanli a rappelé que les travaux du comité d'évaluation de la déontologie de la police nationale se sont concentrés sur les contrôles d'identité. Je remettrai au plus tard à l'automne un rapport retraçant nos réflexions sur l'usage et l'efficacité de ces contrôles. Encore une fois, je souligne la capacité de l'institution, en lien avec les membres du comité, que j'ai énumérés, à s'interroger sur cette pratique qui est au cœur de la relation entre la police et la population.
Comme l'a indiqué le général Pidoux, nous entretenons en permanence des relations avec l'extérieur. Nous ouvrons nos portes aux universitaires et aux chercheurs, car c'est essentiel pour participer à la réflexion commune. Nous nous interrogeons aussi de manière constante en interne sur les pratiques, car c'est l'essence même du travail d'une inspection. Nous l'avions par exemple fait au sujet de l'usage des armes bien avant les événements dramatiques survenus à Nanterre.
Enfin, le problème des suicides a été évoqué à juste titre. Chaque cas de suicide déploré au sein de la police nationale fait l'objet d'un travail d'analyse très fin par l'IGPN, afin d'en comprendre les raisons et de déterminer s'il est imputable au service.
Voilà les éléments de réponse que je peux apporter à ces questions très denses, auxquelles il est difficile de répondre dans les délais impartis avec toute l'exhaustivité qui pourrait être attendue.