Il n'y a pas d'impunité pour les forces de l'ordre ; les sanctions sont effectives, les contrôles ciblés.
Je recevais récemment le chercheur Jacques de Maillard, qui m'a contacté en vue d'un travail sur les caméras-piétons, sur les drones et, plus généralement, sur l'utilité des images. Je vous le disais en 2020, dans une audition portant sur le racisme : l'image est aujourd'hui ce que fut l'ADN il y a vingt ans, une révolution dans la police judiciaire.
Pour la part, je ne propose pas d'évolution législative. Tout est prévu dans le code pénal et le code de procédure pénale. Il faut arrêter de modifier les règles en permanence, et plutôt réfléchir à des simplifications. Appliquons ce qui existe mais, par pitié, veillons à ne pas compliquer l'action des enquêteurs !
Le rythme de travail dans la gendarmerie peut être soutenu ; c'est le cas en ce moment. Mais je n'ai jamais ressenti de crispation. Les gendarmes ont un statut militaire et ne comptent pas leur temps de travail – même s'il est maintenant limité, comme vous l'avez décidé. Mais quand les circonstances l'exigent, nous pouvons monter en puissance autant que nécessaire. C'est ainsi que récemment, 5 000 gendarmes sont intervenus en zone police, notamment pour protéger des bâtiments. Nécessité fait loi.
La réserve opérationnelle compte près de 34 000 personnes. En quarante ans de métier, je l'ai vu évoluer de façon remarquable : les réservistes sont proches, faciles à employer. Sans eux, nous ne saurions pas organiser le Tour de France ! Il est envisagé d'augmenter leur nombre, même s'il y a des difficultés, bien identifiées.
Je précise que la majorité des gendarmes sont non pas en zone rurale, mais en zone périurbaine ; seuls 15 % des effectifs servent dans le rural profond. Mais en tout état de cause, il faut être capable de tenir. La mission de la gendarmerie est d'agir lorsqu'on l'appelle au secours – lorsque le petit Émile disparaît, par exemple. Ne vous inquiétez donc pas : il n'y aura pas de territoires abandonnés pendant les Jeux. Une suspension des zones de compétence est déjà prévue, et les gendarmes couvriront certaines zones de police.
S'agissant de l'amélioration des conditions de travail, le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie nationale est la structure de concertation qui permet à l'État de conserver une gendarmerie sereine et efficace, proche de nos concitoyens. Le directeur général de la gendarmerie nationale y est très attentif. J'étais sur le terrain au moment du mouvement des gilets jaunes, en tant que commandant de la zone Ouest : les gendarmes étaient au contact, sur les ronds-points, de gens qu'ils connaissaient.
Parmi les dix enquêtes judiciaires ouvertes pour les événements récents, une concerne la gendarmerie : il s'agit d'une personne qui a perdu un œil du fait d'un tir de LBD (lanceur de balles de défense) à Tours, en zone police, où les gendarmes intervenaient pour protéger un établissement. L'enquête se déroule sous la responsabilité du procureur de la République, et nous y mettons les moyens nécessaires.
S'agissant de l'accueil du public, soyez certains que c'est l'une de mes préoccupations. Nous concevons, je l'ai dit, des kits pédagogiques : le dernier en date porte sur l'accueil des victimes, avec une petite vidéo de quatre minutes et un diaporama, qui permet au commandant de brigade de rappeler les consignes, à partir d'exemples réels – nous n'avons rien inventé. Nous cherchons ainsi à sensibiliser, de façon très concrète, pour éviter toute faute.
Nous ne disposons pas d'organe collégial qui intégrerait des regards externes. Mais j'ai souhaité échanger avec les chercheurs : MM. Jacques de Maillard, Mathieu Zagrodzki, Sébastian Roché… M. Christian Mouhanna a passé du temps à l'IGGN pour interviewer les personnels du bureau des enquêtes judiciaires, afin de mieux connaître les conditions d'enquête, de savoir s'ils sont indépendants ; il établit une comparaison entre quatre pays. La gendarmerie dispose aussi du centre de recherche de l'École des officiers de la gendarmerie nationale. Cette dynamique d'échange permet aussi de sensibiliser les gendarmes à ces enjeux.
Notre rapport annuel d'activité est paru il y a un mois, bien avant le décès de Nahel. Il mentionne, en effet, qu'aucun mort n'est dû à un tir de gendarme lors d'un refus d'obtempérer. Toutefois, il y a eu trente tirs de gendarmes, notamment vers les roues, destinés à immobiliser un véhicule. Mais ces tirs sont presque inutiles : on n'arrête pas un véhicule avec une arme à feu ! Les Allemands, par exemple, ne tirent pas dans de telles circonstances. Mais quand il est en danger, quand on fonce sur lui, le gendarme doit sauver sa vie ou celle de son camarade : c'est la légitime défense, prévue par le code pénal.
Si je suis fier de dire que nous n'avons aucun mort à la suite d'un refus d'obtempérer, c'est qu'il y a une sensibilité sur ce sujet. Nous avons diffusé l'an dernier un kit pédagogique dédié : il est arrivé dans toutes les brigades et a servi à rappeler à tous les conditions d'usage des armes. Avec le Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier, qui s'occupe de l'intervention professionnelle comme du maintien de l'ordre, nous avons conçu une infographie sur les meilleures façons d'arrêter un véhicule en mouvement. Il y a donc une démarche pédagogique d'ensemble. Nous sommes peu nombreux à l'IGGN, et quand nous voyons une baisse de l'adversité, une baisse des tirs, une baisse des saisines pour des faits graves – une seule pour des faits de racisme ! – nous en sommes légitimement fiers.
Enfin, je vois, moi aussi, une diminution du civisme. Qui est au contact de la misère sociale, qui reste, quand tout est fermé ? La police et la gendarmerie bien sûr – mais aussi les hôpitaux, les urgences, qui reçoivent parfois des gens très violents. Je tiens à leur rendre hommage.