Cette audition, grande première, est pour moi l'aboutissement d'un parcours : depuis trois années que je suis à la tête de l'IGGN, que je vais quitter dans quelques jours, j'ai voulu créer les conditions de la redevabilité de notre action à tous les niveaux, et c'est aujourd'hui devant la représentation nationale que je la mets en œuvre. Alors que le rapport d'activité 2022 de l'IGGN vient d'être publié, il me semble naturel de rendre des comptes concernant l'état de santé de la gendarmerie nationale en matière de déontologie.
Depuis 2020, je n'ai eu de cesse de concrétiser ma volonté d'ouverture et de transparence. Le Beauvau de la sécurité a été un accélérateur de notre transformation, même si j'avais exprimé mes souhaits de changement auparavant. J'ai toujours eu conscience du fait que le cœur du sujet est le lien de confiance entre les forces de sécurité intérieure et la population. Ce lien passe bien sûr par un travail bien fait, par la rigueur dans l'exécution des missions, par la disponibilité de nos gendarmes auprès de leurs concitoyens, mais il repose peut-être surtout sur leur exemplarité, que ce soit dans l'exercice de leurs missions, dans leurs prises de parole ou dans leur comportement au quotidien.
Les inspections générales ont une mission de contrôle et d'enquête essentielle à mes yeux, et aussi celle de maintenir une dynamique en matière de prévention. Le ministre, mais surtout, en ce qui me concerne, le DGGN (directeur général de la gendarmerie nationale) doivent disposer de ces outils pour veiller à la qualité du travail, relever éventuellement les fautes et garantir ainsi le niveau d'exigence nécessaire dans notre métier, sachant que nous avons des pouvoirs exorbitants du droit commun – pour faire en sorte, ne l'oublions pas, que le faible soit protégé.
L'IGGN, ce sont 117 personnels qui se consacrent à cette exigence d'exemplarité, synonyme à mes yeux de légitimité. Nous sommes organisés pour traiter les signalements externes comme internes. À la différence de ma collègue de l'IGPN, je précise que je ne suis pas un directeur de l'administration centrale ; je ne suis pas rattaché à la DGGN.
L'an dernier, nous avons enregistré 5 581 signalements externes, dont 2 952 ont été recueillis sur notre plateforme. Parmi ces 2 952, seuls 808 relèvent de notre compétence : nous recevons beaucoup de sollicitations concernant des contestations d'infractions routières, des conflits privés ou des cas qui font déjà l'objet de saisines judiciaires. Au sein des signalements correspondant à notre compétence, 11,7 % ont trait à des manquements, notamment en matière d'accueil dans les brigades de gendarmerie et de prise de plainte. Ces cas sont peu nombreux au regard de la multitude de personnes qui viennent dans les unités, et tous les fautifs sont systématiquement sanctionnés. En 2022, il y a eu 2 992 sanctions disciplinaires, dont 19 radiations des cadres, 12 résiliations de contrat et 71 blâmes du ministre, soit la sanction la plus haute du groupe 1, qui reste dans le dossier du militaire pendant dix ans.
L'IGGN est connue pour ses enquêtes judiciaires : 783 ont été conduites en 2022, dont 54 par le bureau des enquêtes judiciaires de l'IGGN, le BEJ. Nous avons actuellement en portefeuille 123 enquêtes judiciaires. Chacune est placée sous le contrôle des magistrats – procureurs de la République ou juges d'instruction. Le BEJ est systématiquement saisi lors de l'usage des armes mortelles. En 2022, nous avons eu 4 cas d'usage des armes mortelles sur 62 situations opérationnelles d'usage des armes. Ce dernier chiffre est le plus faible enregistré depuis plus de dix ans. Depuis deux ans, j'ai souhaité faire acte de transparence en indiquant le nombre de personnes décédées, ou blessées avec une incapacité temporaire de travail de plus de huit jours. Vous trouverez dans le rapport la liste des cas et la description des faits.
Cette maîtrise de l'emploi de la force, dont atteste le petit nombre de situations d'usage des armes, doit être comparée avec l'importance croissante, depuis dix ans, du nombre de gendarmes agressés. Ce sont 4 354 agressions qui ont eu lieu en 2022, faisant 2 462 blessés. Concrètement, en dix ans, le nombre de gendarmes blessés en intervention a été multiplié par deux.
La Défenseure des droits nous a saisis à trente-six reprises l'an dernier. Dans le cadre du contrôle externe, aux côtés du contrôle parlementaire, le rôle de son pôle de déontologie de la sécurité est essentiel à mes yeux. Une réunion annuelle, instaurée à mon initiative, nous permet de faire le point sur les modalités de saisine et aussi d'expliquer nos divergences. Nous avons également organisé des immersions au sein des unités au profit des juristes de la Défenseure des droits, afin qu'ils comprennent les conditions d'action et de travail de nos gendarmes.
Cette même dynamique existe avec la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. J'ai aussi souhaité ouvrir les portes de l'IGGN aux chercheurs et, parfois, à des journalistes.
Outre nos rapports d'activité, qui sont en ligne, les autres rapports, notamment d'audit, sont désormais rendus publics, conformément aux orientations arrêtées à l'issue du Beauvau de la sécurité.
Enfin, j'ai déjà évoqué l'impulsion que j'ai souhaité donner en matière de prévention. En septembre 2022 a paru le plan d'action Déontologie de la gendarmerie nationale, dont la majorité des vingt-deux actions sont déjà engagées. En outre, des alertes déontologiques sont diffusées et des kits pédagogiques mis à disposition, jusqu'à l'échelon de la brigade. La création en 2022 du coordonnateur national pour le tir au sein de l'IGGN est venue renforcer l'action, qui est impérative dans ce domaine sensible.
Comme la cheffe de l'IGPN, j'insisterai enfin sur le travail réalisé en matière de formation. L'IGGN intervient à toutes les étapes lors des séminaires de préparation aux postes de commandement. Nous associons aussi le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie nationale, notre structure de concertation et de dialogue interne, à la prévention du risque déontologique. Concrètement, plus de 4 000 personnels sont formés chaque année par l'IGGN et l'ensemble de la chaîne de formation est impliquée.