C'est avec le sens de la responsabilité qui m'incombe que je me présente devant vous. Dans les limites que vous avez rappelées, monsieur le président – je ne m'exprimerai pas au sujet de procédures judiciaires en cours –, je m'attacherai à répondre à des interrogations par essence légitimes dans le cadre de votre contrôle parlementaire.
Mais d'abord, pour vous permettre d'exercer ce contrôle en toute connaissance de cause, je souhaite vous présenter l'IGPN, que j'ai l'honneur de diriger depuis près d'un an.
À l'été 2022, ma nomination, sur proposition du ministre de l'intérieur et des outre-mer – celle d'un magistrat de l'ordre judiciaire, alors que l'inspection avait toujours été dirigée par un policier actif – a pu susciter craintes, critiques, attentes. Défiance envers les policiers ? Affichage ? Avancée ? Autant de propos que j'ai pu entendre et qu'il ne m'appartient pas de commenter autrement que par l'action déployée avec mes équipes. Vous me permettrez de leur rendre ici hommage, car mon action n'a de sens que jointe à celle de ces équipes que je dirige selon des orientations de lisibilité, de rigueur, d'objectivité, d'impartialité, de transparence et aussi de fierté – celle d'appartenir à une inspection parfois scrutée, crainte ou dénigrée, mais nécessaire et, souhaitons-le, utile pour tous et comprise de tous.
Les effectifs de l'IGPN comptent 276 personnes aux profils divers : 203 policiers actifs de tous grades, mais aussi des fonctionnaires d'autres corps de la fonction publique, des contractuels, un magistrat de l'ordre administratif, des personnels administratifs, des apprentis. Par cette énumération, je m'inscris en faux contre l'idée d'un entre-soi, démentie par la capacité des policiers qui m'entourent à écouter, entendre, comprendre, intégrer les critiques récurrentes – celle d'être une « blanchisseuse », pour n'en citer qu'une – et à y riposter pour se prémunir de tout biais corporatiste, tout en appréhendant parfaitement la réalité vécue par leurs collègues policiers de terrain. S'y ajoutent les constants échanges avec les directions de la police nationale, mais aussi avec les organisations syndicales professionnelles, les autorités externes de contrôle – Défenseure des droits, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté – ou encore les associations qui œuvrent au rapprochement entre police et population, les chercheurs, les universitaires.
À cet égard, il est intéressant de relever que le comité d'évaluation de la déontologie de la police nationale, dont la création a été décidée fin 2020 par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, est présidé par la cheffe de l'IGPN. Il réunit les directions de police, mais aussi les autorités externes de contrôle, un magistrat de l'ordre judiciaire, un magistrat de l'ordre administratif, un représentant du Conseil national des barreaux, un chercheur, un universitaire, un membre d'une association travaillant à rapprocher la police et la population. Il montre la capacité de l'institution à s'interroger sur ses pratiques.
C'est dans ce contexte de connexion aux réalités du terrain et aux enjeux sociétaux que s'exercent nos missions, pour lesquelles nous sommes structurés en trois sous-directions qui n'ont pas de lien hiérarchique entre elles.
La sous-direction des enquêtes administratives et judiciaires, sans conteste la plus connue, est composée de 121 enquêteurs répartis dans une division nationale des enquêtes, huit délégations – une pour chaque zone de défense – et un bureau, auxquels s'ajoute une unité de coordination des enquêtes. Cette sous-direction comprend également les plateformes de l'IGPN : la plateforme de signalement destinée aux usagers et la plateforme Signal-Discri, destinée aux policiers.
L'IGPN est un service national judiciaire spécialisé d'enquête. Par définition, elle ne traite pas toutes les affaires qui mettent en cause les policiers. Nous avons à connaître de celles qui revêtent un caractère de gravité ou de complexité, ou dont le retentissement est particulièrement fort.
En 2022, l'IGPN a été saisie par l'autorité judiciaire, sous la direction de laquelle elle agit et à qui elle rend compte, de 1 065 enquêtes judiciaires. Celles-ci visent à rassembler des preuves à charge et à décharge pour caractériser les éléments constitutifs d'une infraction pénale.
En parallèle, au nom du devoir de réaction de l'administration, l'IGPN procède à des enquêtes administratives prédisciplinaires, destinées à rechercher si des manquements professionnels ou déontologiques ont été commis. En 2022, nous en avons ouvert 192.
Mais le rôle de l'IGPN s'arrête à la proposition d'engagement de poursuites disciplinaires ou de sanctions. L'Inspection n'est en aucun cas compétente pour prononcer ces sanctions.
La sous-direction des inspections, évaluations et audits, ensuite, est organisée en deux départements : celui des inspections et évaluations et celui de l'audit interne. Les missions d'inspection correspondent à une activité de contrôle de mise en œuvre, lorsqu'un événement, un acte ou un comportement apparaissent de nature à compromettre le déroulement normal de l'activité policière. Il s'agit alors d'analyser les dysfonctionnements dénoncés et de proposer des mesures correctives à court ou moyen terme.
Les missions d'évaluation portent sur une organisation, un service, la mise en œuvre d'une politique publique ou d'une réforme, et visent à mesurer l'atteinte des objectifs et la bonne utilisation des moyens alloués. Elles sont accomplies selon une démarche essentiellement prospective.
L'audit interne, indépendant et objectif, s'exerce dans quatre domaines : métier, matière comptable et budgétaire, temps de travail, technologies. C'est ce département qui procède au testing, c'est-à-dire aux contrôles inopinés qui servent à évaluer l'accueil dans les services de police. Cette mission est essentielle, car la qualité de cet accueil, comme pour tout service public, doit être sans cesse questionnée, analysée et suivie pour être toujours améliorée.
Les chargés d'inspection et auditeurs internes assurent le suivi des recommandations, suivi que je souhaite renforcer et sans lequel on s'interrogerait sur l'effectivité de nos travaux.
Enfin, la sous-direction de l'analyse, du conseil, de l'accompagnement et de la maîtrise des risques comprend trois structures distinctes.
D'abord, le cabinet de l'analyse, de la déontologie et de la règle. Il produit des analyses et conseils juridiques, aussi bien pour les directions, par exemple au sujet de doctrines d'emploi, que pour les policiers de terrain, en réponse à des questions pragmatiques. Il conduit aussi le suivi et l'analyse de deux applications essentielles dans un fonctionnement démocratique : le traitement relatif au suivi de l'usage des armes, et le recensement des personnes blessées ou décédées lors d'une mission de police. C'est ce service, enfin, qui traite les demandes qui me sont adressées en ma qualité de référente déontologue de la police nationale.
Ensuite, une mission d'appui et de conseil, la MAC. Il s'agit d'un cabinet internalisé de conseil, implanté depuis 2013 au sein de l'IGPN au profit de l'ensemble des directions de la police nationale et de la préfecture de police, et composé pour moitié de policiers actifs expérimentés et pour moitié de contractuels issus de grands cabinets privés de conseil. Sa composition lui permet d'apporter une offre de conseil en organisation, connectée à l'attente du policier tout en recourant à des outils qui ont fait leurs preuves dans le privé. En outre, le coût est, lui aussi, internalisé.
Enfin, l'analyse de la maîtrise des activités et des risques. Depuis 2016, la police nationale s'est engagée dans la démarche capitale de maîtrise des risques métier, afin de sécuriser le fonctionnement des services et d'éviter les dysfonctionnements. Cette structure est chargée de conduire une démarche commune au moyen de méthodes et d'outils partagés : une base d'analyse des incidents et des accidents de la police nationale ; l'élaboration de fiches très pratiques destinées aux policiers de terrain, portant sur tel ou tel risque récurrent ou signalé ; le déploiement dans les services de police d'un logiciel de contrôle des risques ; l'élaboration de cartographies des risques. L'objectif de cette mission est d'améliorer le fonctionnement des services en décelant, en analysant, en anticipant les risques et, par là même, de sécuriser les policiers dans l'exercice de leur métier.
À ces différentes missions s'ajoute une action socle : la formation, dispensée par l'ensemble des agents de l'IGPN aux policiers de tous grades. Elle concerne par exemple la déontologie, la formation au cadre légal en matière d'usage des armes, que ce soit en droit commun ou en maintien de l'ordre, ou encore la maîtrise des risques.
L'IGPN ambitionne d'œuvrer au rapprochement de la police et des usagers, guidée par le souci de la vérité due à nos concitoyens, en étant intraitable envers les policiers qui le méritent, et en appuyant, accompagnant et soutenant tous les autres. Cette démarche, nous la devons à l'institution de la police nationale, en notre qualité d'organe de contrôle interne, à chaque policier, et enfin et surtout à la population, pour renforcer son lien de confiance avec sa police.