« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! ». Ce vers de Charles Baudelaire nous rappelle le sentiment de liberté et d'émerveillement que nous inspire l'océan. Mais la mer n'est pas qu'un spectacle, c'est aussi un patrimoine commun qui abrite une biodiversité exceptionnelle et qui soutient de nombreuses activités économiques. Or ce patrimoine est menacé par le risque d'accidents maritimes impliquant des substances nocives et potentiellement dangereuses, qui peuvent causer des dommages irréversibles à l'environnement et aux populations. C'est pourquoi il est indispensable de se doter d'un régime international de responsabilité et d'indemnisation efficace et adapté à ce risque.
C'est ce que permettent la convention SNPD et le protocole associé que nous examinons aujourd'hui. Ils créent un régime de responsabilité, obligent les transporteurs de marchandises à s'assurer et demandent aux réceptionnaires d'abonder un fonds spécialement dédié à la réparation des dommages causés par les pollutions en mer.
Ne nous trompons pas, la convention SNPD ne permettra pas à elle seule de régler définitivement la question des pollutions maritimes ; mais elle participe d'une approche globale, que nous devons toujours adopter lorsque nous abordons ce sujet, et qui intègre trois problèmes principaux.
Premièrement, les préjudices subis vont au-delà des dommages corporels ou des destructions de biens ; ils affectent très souvent et durablement des écosystèmes entiers. Deuxièmement, ces dommages sont difficilement mesurables, et peuvent dépasser les montants couverts par les différentes conventions. Troisièmement, malgré ces incertitudes, on ne saurait renoncer au transport maritime et à l'échange de produits et substances chimiques qui entrent dans de nombreux procédés de fabrication.
Au fond, la question des pollutions maritimes nous invite à travailler sur nos référentiels. Le référentiel économique d'abord, qui prédomine dans ce protocole, et qui nous amène à réfléchir aux coûts de la pollution et à corriger tout ou partie de son impact mesurable. Il consacre le principe de pollueur-payeur selon lequel le responsable des pollutions, que ce soit le transporteur de marchandises, d'une part, ou le réceptionnaire, d'autre part, en paye les conséquences – mais sur la base de considérations proprement humaines. Ainsi, sont pris en compte les dommages aux biens et aux personnes, la nécessité de recourir à des assurances, et, dans une certaine mesure, les dommages environnementaux – si tant est qu'on leur ait attribué une valeur économique.
Cependant, de plus en plus, il nous faut regarder non pas seulement à travers le prisme économique, mais aussi prendre en compte un référentiel environnemental, plus large. Les dommages sont alors plus difficiles à mesurer : combien d'espèces, de trésors de biodiversité marine sont ainsi menacés, sans qu'on puisse véritablement définir leur utilité économique ? Il faut alors aller plus loin que la responsabilisation et le principe du pollueur-payeur, mais encadrer, réguler, parfois même interdire.
Cela participe à cette approche globale, faite autant d'incitations économiques que de contraintes réglementaires, sans oublier les échanges d'informations et le partage de bonnes pratiques. À ce titre, le texte que nous examinons n'est qu'une pierre à l'édifice. Non, le protocole du 30 avril 2010 et la convention SNPD ne sont pas suffisants pour lutter contre la pollution maritime, mais ils sont nécessaires.
Nécessaires, car sans cette convention, seules les pollutions par hydrocarbures seront concernées par ce régime de responsabilité. Nécessaires aussi, car nous devons autant que possible renforcer la portée d'une convention qu'encore trop peu d'États ont signée et ratifiée. Nécessaires enfin, car cohérents avec l'ensemble des mesures de protection des milieux marins que nous avons adoptées au cours de cette première année de législature : oui, sont tout aussi nécessaires la réforme de l'Organisation maritime internationale, les coopérations bilatérales pour la sécurité en mer ou les mécanismes de partage d'information et de coordination des opérations en mer. Chacun de ces sujets a fait l'objet d'un examen approfondi de notre assemblée.
Mes chers collègues, continuons sur cette lancée ! Pour notre part, nous resterons toujours attentifs à faire prévaloir, chaque fois que cela est possible et pertinent, une approche globale sur les sujets environnementaux et maritimes. Dans ce contexte, le groupe Horizons et apparentés votera pour ce projet de loi, et pour autoriser la ratification de cette convention.