Mesdames et messieurs les députés, c'est à nouveau avec émotion que je m'adresse à vous ce matin : le projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, que je défends devant vous depuis plusieurs semaines, arrive au terme de son parcours législatif.
Nous sommes le 13 juillet. Dans trois jours, nous célébrerons la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux Justes de France, instaurée par la loi du 10 juillet 2000. Nous allons commémorer un épisode tragique de notre histoire, la rafle du Vélodrome d'Hiver des 16 et 17 juillet 1942, et témoigner la reconnaissance de la nation à tous ceux qui ont recueilli, protégé ou défendu, au péril de leur vie et sans aucune contrepartie, les personnes menacées de génocide. Cette journée nous incitera à penser à toutes les familles dont les objets, les œuvres d'art, les livres ont été spoliés mais que leurs ayants droit espèrent retrouver. Fragments d'une histoire tant intime que collective, ces biens culturels, grâce au présent projet de loi, pourront être plus facilement restitués – et à chaque restitution, c'est un acte de justice qui sera rendu.
En permettant de déroger au principe d'inaliénabilité pour restituer les biens spoliés aux familles juives entre 1933 et 1945, sur notre sol ou à l'étranger, par l'Allemagne ou par des régimes complices, ce texte ouvrira aussi une nouvelle ère de recherche pour les musées et les bibliothèques de France.
Nous avons eu de nombreux débats sémantiques sur le projet de loi. Ils étaient importants parce que chaque mot compte et que notre rapport à l'histoire nécessite une grande précision. Je tiens à saluer le travail effectué par la rapporteure Fabienne Colboc, qui, grâce à des consultations menées auprès d'historiens, a permis d'aboutir aux formulations les plus justes. Merci aussi à tous les parlementaires qui ont élaboré, dans le cadre de la commission mixte paritaire, une version qui convienne aux deux assemblées. Plus globalement, merci à tous pour la qualité, la profondeur et le sérieux de nos débats.
Vous m'avez interpellée à plusieurs reprises sur la question des moyens. La Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 que nous avons créée en 2019 au sein du ministère de la culture est composée de six agents et dispose d'un budget de 220 000 euros pour financer des missions de recherche assurées par des chercheurs indépendants – budget auquel j'ai ajouté 100 000 euros en 2023 pour amorcer une aide aux musées territoriaux qui voudraient mener des recherches sur leurs collections. Il ne faut pas oublier non plus le rôle joué directement par les musées : au Louvre, trois postes à temps plein sont consacrés à la recherche de provenance ; le musée d'Orsay vient d'en créer un, de même que le musée de la musique et l'Institut national d'histoire de l'art ; idem pour les musées territoriaux, comme le musée Faure d'Aix-les-Bains ou le musée des Beaux-Arts de Rouen. Nous serons au rendez-vous de la montée en puissance des recherches de provenance.
Nous serons aussi au rendez-vous du développement de la formation. Nous avons créé une formation obligatoire sur les spoliations entre 1933 et 1945 pour tous les élèves conservateurs du patrimoine à l'Institut national du patrimoine (INP) et tous les élèves conservateurs des bibliothèques. Nous avons également lancé cette année une formation pour les élèves commissaires-priseurs. J'ai mentionné à plusieurs reprises le nouveau diplôme universitaire de recherche de provenances des œuvres d'art à l'université de Nanterre. Un nouveau master 2 « biens sensibles, provenances et enjeux internationaux » ouvrira également à l'École du Louvre en septembre. Ces avancées majeures datent d'un ou deux ans seulement : ce sont des pas de géant après des années d'attente.
En 2020, pour le soixante-quinzième anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, le Président de la République s'était rendu au mémorial de la Shoah, où il avait rappelé : « Le "plus jamais" que nous dicte la Shoah est un impératif catégorique. Le souvenir de l'horreur ne doit pas s'estomper, la Shoah ne doit pas cicatriser. Elle doit rester une plaie vive au flanc de l'humanité, au flanc de notre République. Notre vigilance doit sans cesse être éclairée par notre mémoire. »
Ce texte répond bien à cette nécessité. Ce sera une loi d'action, afin que ce devoir de mémoire et de vigilance se traduise par des actes concrets de justice, pour continuer à éclairer notre histoire autant que notre avenir.
Le 10/08/2023 à 12:59, Aristide a dit :
Rappelons que le régime de Vichy n'était en rien légitime..., comme la souvent fait remarquer de Gaulle d'ailleurs. On en est réduit à enfoncer des portes ouvertes, c'est dire l'état de déliquescence de la politique française.
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