Plusieurs des orateurs ont établi un lien entre la libéralisation et la baisse continue de la part modale du fret ferroviaire dans le transport de marchandises – du moins jusqu'à une date récente car ce n'est plus le cas aujourd'hui. Si l'on compare notre situation à celle d'autres pays, le lien n'est pas avéré. Le travail de la commission d'enquête permettra sans doute de cerner les conséquences de la libéralisation, en particulier sur la part modale du fret ferroviaire, mais il serait prématuré de lier systématiquement l'un et l'autre. Ce serait aller vite en besogne, ne partons pas de ce postulat. Du reste, l'état du réseau ainsi que la tarification du gestionnaire d'infrastructure en France, financièrement plus avantageuse pour le transport de voyageurs que de marchandises, expliquent en partie l'effondrement de la part modale du fret ferroviaire, sans parler du coût pour les entreprises, plus élevé que celui du transport routier, même si la tendance s'inverse après 400 kilomètres.
Monsieur Bricout, le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) s'est penché sur la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire. On a souvent en tête le rapport, que j'appellerai de programmation, que nous avons rendu à Mme la Première ministre le 24 février dernier, sur le modèle de celui rendu sous la présidence de Philippe Duron en 2018, mais le COI a rendu deux rapports entre-temps, dont une évaluation de la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire telle qu'elle était prévue par le Gouvernement. Ce fut pour nous l'occasion de rappeler la nécessité de donner une définition précise des aides apportées dans la durée, en particulier l'aide à la pince et l'accompagnement des aides à l'investissement. Lorsqu'une entreprise décide de recourir au fret ferroviaire, elle ne s'engage pas pour seulement deux ou trois ans : elle a besoin de visibilité. Le COI ne s'est pas du tout désintéressé du fret. Au contraire, dans notre dernier rapport, nous avons insisté sur la nécessité de consacrer une part de l'effort financier supplémentaire de 1,5 milliard d'euros par an durant quatre quinquennats, au ferroviaire, en particulier à sa modernisation. Je sais que le COI a parfois été critiqué, notamment au sujet de sa proposition pour le Lyon-Turin, même si, en l'espèce, celle-ci a sans doute été mal interprétée. En tout état de cause, le ferroviaire n'est pas oublié.
J'ai bien noté votre intérêt pour cette commission d'enquête. Je ne doute pas que vous serez nombreux à vouloir en faire partie. Loin de n'être que technique, la libéralisation du fret ferroviaire est un sujet de politique publique dont les enjeux sont cruciaux, en particulier celui de la décarbonation des transports de marchandises.