Plus de 12 millions de personnes se trouvent dans une situation fragile en matière de logement et plus de 4 millions sont mal logées. Dans son rapport annuel sur l'état du mal-logement en France, présenté en début d'année, la Fondation Abbé Pierre s'inquiétait une nouvelle fois de « fragilités accrues » liées aux « insuffisances du Gouvernement ».
Depuis six ans, vous avez en effet fait le choix d'une politique fiscale et budgétaire qui tourne le dos à la redistribution. Quant à votre politique du « quoi qu'il en coûte », elle n'a pas traité de façon équitable les Français. Dans le même temps, les prix commençaient à flamber pour atteindre leurs niveaux actuels et les dépenses incompressibles explosaient, précipitant chaque jour plus de familles dans la précarité. Ainsi, en six ans, le logement est passé de moins d'un quart des dépenses des ménages modestes – 22 % – à près d'un tiers – 31 % –, et il ne s'agit malheureusement que de moyennes.
Derrière ces chiffres, il y a une réalité humaine de moins en moins supportable pour ceux qui la vivent et, naturellement, pour nous aussi. De la même façon que le fondateur du mouvement Emmaüs appelait à une insurrection de la bonté, il nous faut, soixante-dix ans après, créer les conditions d'une révolution de l'équité. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : il est insupportable de voir de plus en plus de nos concitoyens se retrouver en situation de vulnérabilité après s'être acquittés des loyers, des charges courantes et de l'électricité, cela en raison de revenus trop faibles.
Les députés du groupe LIOT voteront ce bouclier pour contenir l'augmentation des loyers, mais il s'agit d'un vote « faute de mieux », car nous sommes conscients que pour ceux qui vivent des fins de mois difficiles, 3,5 % de plus, c'est 3,5 % de trop. C'est également un vote par défaut parce que votre proposition, préparée à la hâte, est une solution partielle et de court terme.
Notre conviction profonde, que vous devriez partager par des choix et traduire dans des actes, est que la politique de l'habitat doit être fondée sur le bien-loger pour toutes et tous. Dans la France du XXI
Il faudra donc aller plus loin que les mesures annoncées par Mme la Première ministre lors de la restitution des travaux du CNR logement. Nous avons besoin de mesures pour produire suffisamment de logements à loyer abordable ; pour aider véritablement et durablement les locataires fragilisés, notamment – ce qui faisait partie de nos propositions – en revalorisant et en élargissant les APL ; pour en finir avec l'habitat dégradé et avec la précarité énergétique, objectif qui requiert un véritable plan pluriannuel permettant de massifier les rénovations. Le groupe LIOT appelle donc à sortir du provisoire et à s'inscrire dans de vraies trajectoires.
J'ai déjà eu l'occasion d'intervenir à de nombreuses reprises sur le sujet ; je ne reviendrai donc pas sur le rendez-vous manqué du choc de l'offre, qui était une promesse du Président de la République. Les faits parlent d'eux-mêmes : mesurettes, recyclage et rabotage d'anciens dispositifs, construction neuve en chute libre, baisse des dépenses d'entretien et rénovation entravée des logements sociaux. Quant à l'immobilier d'entreprise, vous avez fait le choix de protéger les propriétaires investisseurs au risque – qui, espérons-le, ne se réalisera pas – de fragiliser notre tissu économique.
La mesure provisoire que vous nous proposez évite certes le pire, mais elle affecte les plus modestes et les plus précaires sans les aider à faire face aux effets cumulatifs du contexte d'inflation sur le pouvoir d'achat. Nous regrettons l'absence de vision de long terme de votre politique du logement, mais notre vote nous engage collectivement à nous retrouver lors de l'examen du projet de loi de finances – qui sera, je l'espère, l'occasion de nous doter enfin des moyens de mener une politique volontariste.
Les enjeux d'une politique du logement sont évidemment économiques et écologiques, mais ils sont aussi éminemment sociaux. Jean-Baptiste André Godin soulignait déjà au XIX