Si cet amendement était adopté, il pourrait ouvrir une cinquième voie de partage de la valeur en entreprise. La première voie, c'est la prime Macron, dont nous avons dit tout le mal que nous pensions. La deuxième, c'est l'intéressement. La troisième consiste en la participation, mais celle-ci a ses défauts, notamment parce qu'elle est fondée sur le revenu fiscal. La quatrième, c'est l'épargne salariale.
Vous le savez, les capacités d'innovation dans le cadre de ce projet de loi sont minces, car elles supposent l'accord de toutes les parties prenantes. Ô miracle, nous proposons justement quelque chose d'innovant : il s'agit de la société anonyme à participation ouvrière (Sapo). Née il y a plus d'un siècle dans la fraternité des tranchées, alors qu'Aristide Briand assurait la présidence du Conseil, elle pourrait être ressuscitée aujourd'hui grâce à notre vote. Dans cette société, les salariés détiennent des parts incessibles : ce sont en fait des parts de travail qui constituent le capital social, au sens étymologique du terme. Les salariés apportent leur savoir-faire, leur engagement, et possèdent 25, 75, voire 80 % des parts de l'entreprise ; ils partagent donc les dividendes avec les détenteurs du capital.
La Sapo permet aussi aux salariés de faire partie des organes de décision de l'entreprise, tels que le conseil d'administration ou le conseil de surveillance, suivant la taille de la structure. C'est une véritable innovation de gouvernance, apportée en 1917 dans le cadre d'un grand mouvement coopératif, qui assure un partage des dividendes à égalité entre les salariés qui détiennent des parts incessibles et ne pouvant donc avoir aucun effet spéculatif. La part entre le travail et le capital se trouve ainsi rééquilibrée.
À l'origine, la Sapo avait quelque chose d'une utopie. Or elle a été une première fois ressuscitée par la loi Pacte, qui a modernisé le dispositif qui concerne aujourd'hui une cinquantaine d'entreprises. Cet après-midi, nous pouvons ouvrir une cinquième voie du partage de la valeur au sein de l'entreprise en consolidant la Sapo de façon définitive : c'est certainement la voie la plus démocratique et la plus prospère, si toutefois les partenaires sociaux acceptent de s'en saisir.