Sans effets normatifs, il nous libère donc des articles 40 et 45 de la Constitution, par lesquels nos innovations sont régulièrement décapitées.
La réforme systémique réclamée par Jean-Marc Sauvé, et que je soutiens, implique cinq éléments : un budget – vous répondez à cet appel par l'augmentation substantielle des moyens ; une révolution numérique, qui impose la réorganisation et la déconcentration des services judiciaires ; une collégialité, c'est-à-dire la construction autour du magistrat d'une équipe qui conserve les greffiers et fasse appel aux forces vives du droit ; une considération dont bénéficient les auxiliaires de justice, greffiers, acteurs du service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip), ou encore éducateurs spécialisés de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), en butte au sous-effectif, au manque de moyens et à la perte d'attractivité ; enfin le placement du juge au cœur du litige. Encore une fois, nous serons favorables à tout ce qui, au sein des textes, va dans ce sens. En revanche, le dernier des cinq objectifs ne sera servi ni par la réforme de la saisie des rémunérations, qui, concernant les populations vulnérables, reviendra à complexifier voire à rendre impossible le recours au juge, ni par le transfert aux TAE des compétences concernant les activités agricoles et les associations, occasion manquée de fédérer les professionnels du droit et les sachants du monde de l'entreprise.
Quoi qu'il en soit, cette réforme systémique ne doit pas faire oublier les fondamentaux, à commencer par le fait que la prison, si elle punit, vise également à réinsérer. En dépit de votre volonté, les 15 000 places supplémentaires prévues ne pourront être livrées d'ici à 2027 ; les prisons resteront surpeuplées, et perdurera le système aussi coûteux qu'inefficace d'une usine à récidive – dont le taux atteint près de 40 % – où se dégradent les conditions sociale et psychologique des 73 800 détenus. Nous devons, avec courage et sans populisme, faire prospérer le débat à ce sujet. Autre principe majeur, l'indépendance qui protège : il importe de renforcer la présence de l'acteur essentiel qu'est le JLD. Par ailleurs, comme je l'ai dit au début de mon intervention, cette indépendance n'est pas indifférence : la justice doit rester au service des citoyens – j'aurai l'occasion d'y revenir. Dans ce contexte de colère, sachons retrouver les voies de la construction, d'un débat apaisé et respectueux.