La seconde réforme est celle de la modernisation des ressources humaines – magistrats et fonctionnaires – de la Chancellerie. Je compte employer tous les leviers à notre disposition pour que non seulement le plan de recrutement soit réalisé, mais surtout, qu'il corresponde aux besoins du terrain.
Cette modernisation implique d'abord une adaptation des ressources à la situation actuelle, notamment à la diversification des fonctions. Je pense par exemple au travail formidable qu'accomplissent les contractuels dans toutes nos juridictions. Leur recrutement et l'engagement des magistrats et greffiers a déjà permis de réduire les stocks de près de 30 % dans les juridictions pour la première fois depuis des décennies. Or moins de stock, c'est bien entendu moins d'attente pour nos concitoyens.
C'est pourquoi, en plus des recrutements massifs de magistrats et de greffiers, le projet de loi de programmation vous propose non seulement de pérenniser ces emplois en les cédéisant, mais également de les institutionnaliser en créant la fonction d'attaché de justice, qu'avait appelée de ses vœux le rapporteur Terlier. Ces attachés de justice seront formés à l'École nationale de la magistrature (ENM) et prêteront serment. Ils compléteront et constitueront une véritable équipe autour du magistrat, laquelle représentera la véritable révolution à venir au sein de la justice.
C'est cette même impulsion que nous souhaitons donner à l'administration pénitentiaire en ouvrant la possibilité de recruter des surveillants adjoints par la voie contractuelle. Ce dispositif a fait ses preuves au ministère de l'intérieur. Du point de vue de l'attractivité, en outre, il permet d'embaucher des personnels au plus près des établissements pénitentiaires.
Le chantier majeur de la modernisation des ressources humaines est bien sûr celui défendu dans le projet de loi organique – la réforme du statut de la magistrature – et je veux ici remercier le rapporteur Didier Paris pour son engagement et les connaissances fines qu'il a mises au service de cette réforme.
Cette dernière repose sur trois axes. Le premier est l'ouverture du corps judiciaire : le recrutement de 1 500 magistrats exigera de faciliter l'accès à la magistrature. Pour cela, nous proposons la création de magistrats en service extraordinaire, mais également l'ouverture des recrutements en simplifiant les différentes voies d'accès, notamment pour les avocats, et en professionnalisant le recrutement par l'instauration d'un jury professionnel. Le maintien du principe du concours républicain garantira l'excellence du niveau de recrutement.
L'objectif est aussi d'assouplir les règles pour les magistrats exerçant à titre temporaire qui accomplissent un travail indispensable et remarquable, et qui seront nécessaires au déploiement de la politique de l'amiable et des cours criminelles départementales.
Enfin, il s'agit de simplifier certaines règles de gestion des ressources humaines, en pérennisant les brigades de soutien des magistrats et greffiers, qui font leurs preuves à Mayotte et en Guyane ; en instaurant des priorités d'affectation pour les magistrats qui ont accepté de partir dans des territoires peu attractifs, et, enfin, en créant un troisième grade pour garder des magistrats d'expérience dans les juridictions de première instance afin, notamment, d'en améliorer la qualité, conformément aux vœux exprimés dans le rapport Sauvé.
Le deuxième axe de la réforme statutaire consiste en la modernisation, notamment celle du dialogue social et du mode de scrutin au Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Enfin, le dernier axe repose sur la responsabilité du corps judiciaire, avec l'élargissement des conditions de recevabilité des plaintes des justiciables contre des magistrats devant le CSM – qui, en l'état, ne donnent in fine jamais lieu à sanction.
Le troisième chantier de réforme est celui de la simplification d'un certain nombre de procédures : qu'elles soient civiles ou pénales, elles sont un facteur de complexité pour nos professionnels et d'éloignement entre le citoyen et la justice.
Vous le savez, en matière civile, je veux faire enfin advenir la révolution de l'amiable, qui se fait tant attendre en France. Cette réforme est de niveau réglementaire, mais j'ai transmis à la commission des lois le projet de décret concernant l'instauration de la césure et de l'audience de règlement amiable afin que nous puissions échanger sur ce point dans les semaines à venir, dans un temps plus long. Ma porte est grande ouverte pour échanger sur ces questions.
En matière pénale, je souhaite que nous puissions lancer ensemble le chantier titanesque de la simplification de la procédure pénale. Il s'agit dans un premier temps de restructurer et de clarifier le code à droit constant, comme le précise l'article 2. L'objectif est de le rendre plus lisible pour les professionnels, en réécrivant des articles qui consistent en des renvois successifs à d'autres articles, en réorganisant l'ensemble des chapitres et en regroupant certains textes épars, pour éviter les erreurs procédurales.
Enfin, je vous confirme que le nouveau code de procédure pénale n'entrera pas en vigueur avant sa ratification, comme ce fut le cas pour le code de la justice pénale des mineurs. Le comité parlementaire, que nous renforcerons dans le rapport annexé grâce au travail du député Emmanuel Mandon, et qui sera institué après la promulgation de la loi, permettra de s'assurer que le Parlement conserve bien un droit de regard incontournable sur la conduite de cette réforme.
Enfin, il vous est proposé une série de mesures concrètes immédiatement applicables. Je pense à celles, par exemple, visant à améliorer l'efficacité de l'enquête pénale et à renforcer le recours aux techniques spéciales d'enquête ; je ne méconnais pas les craintes en la matière, mais je pense que le travail du rapporteur Erwan Balanant a apporté un certain nombre de garanties qui devraient nous rassurer. C'est également le cas de l'extension du travail d'intérêt général aux entreprises de l'économie sociale et solidaire : si le nombre de places a significativement augmenté ces dernières années sous l'impulsion de cette majorité, il nous faut aller plus loin – c'est ce que permettra un amendement de la députée Blandine Brocard.
Je pense aussi à l'extension du champ de l'indemnisation aux victimes de certaines infractions. Le travail réalisé avec les rapporteurs et la députée Sarah Tanzilli nous permettra, là encore, d'aller plus loin pour couvrir les victimes et, par ricochet, les victimes mineures au moment de l'infraction.
Pour conclure mon propos, j'en reviendrai à mon point initial : il est de notre responsabilité collective de répondre au besoin de justice et de donner à la justice les moyens de tenir son rang dans nos institutions. Nous avons certaines divergences – elles s'exprimeront lors de l'examen des articles – mais, sur la majorité des bancs, de droite à gauche, nous partageons l'ambition et l'impérieuse nécessité de rétablir la place de la justice à la hauteur de la mission fondamentale qui est la sienne, à la hauteur de l'engagement de ceux qui la servent, et surtout, à la hauteur des attentes des Français – au nom de qui, ne l'oublions jamais, elle est rendue.