En cohérence avec le plan d'action, le dernier objectif concerne le programme immobilier du ministère de la justice et tout d'abord l'immobilier judiciaire, c'est-à-dire la construction de tribunaux. Les recrutements massifs nécessiteront une augmentation et une rénovation massives du parc judiciaire. C'est pourquoi nous agissons selon une vision globale et nous prévoyons d'investir massivement dans les tribunaux de demain pour améliorer les conditions de travail de ceux qui servent la justice. En bout de chaîne, c'est bien le justiciable qui en bénéficiera. Concrètement, d'ici à 2027, nous engagerons plus de quarante opérations de restructuration et de rénovation de tribunaux et cours d'appel.
Ensuite, le programme immobilier pénitentiaire avance sûrement malgré de nombreux freins. Je pense à la crise sanitaire – qui, si elle est fort heureusement derrière nous, a durablement affecté les chantiers –, à la guerre en Ukraine – qui a réduit l'accès aux matières premières – et, bien sûr, aux réticences des riverains et souvent de leurs élus.
Notre engagement est clair et notre cap est fixé : nous construirons 15 000 places supplémentaires d'ici à 2027. L'année prochaine, la moitié des établissements de ce plan seront sortis de terre. Il y va d'abord de la bonne application de ma politique pénale qui est sans aucune ambiguïté : fermeté sans démagogie, humanisme sans angélisme. Il y va ensuite des conditions de détention qui sont parfois indignes, mais aussi des conditions de travail du personnel pénitentiaire. Je fais le tour des prisons depuis plus de quarante ans et je connais la dégradation d'un certain nombre d'établissements, mais je n'ai pas – contrairement à d'autres – de baguette magique ; je n'ai qu'une volonté politique forte, qui s'appuie sur des leviers d'action réalistes et des moyens inédits, car en matière pénitentiaire comme en matière pénale, il faut se méfier des solutions clés en main. La construction de prisons est la solution la plus lente, mais la plus sûre – surtout qu'en parallèle des constructions, nous investissons massivement dans les rénovations : environ 130 millions d'euros par an, soit près de deux fois plus que sous le quinquennat de François Hollande.
Le président du comité des états généraux de la justice, Jean-Marc Sauvé, l'a formulé ainsi : tout ne se résume pas à la question des moyens. C'est pourquoi je vous propose une série de mesures qui réforment en profondeur l'institution sans pour autant la déstabiliser : l'une des innovations de ce projet de loi de réforme de la justice, c'est qu'elle dégage, en regard des mesures prises, les moyens nécessaires à leur bonne application.
La première réforme est celle de l'amélioration de l'organisation de la justice selon une approche innovante et pragmatique. Je souhaite accélérer la déconcentration du ministère de la justice en laissant plus d'autonomie aux juridictions dans leur administration, afin de ne faire intervenir l'administration centrale que lorsque son soutien est utile ou son arbitrage nécessaire.
Cette nouvelle étape relève en grande partie du niveau réglementaire et se fera d'ici à l'automne. J'ai souhaité inscrire cette orientation claire dans le rapport annexé : en effet, une organisation plus efficace de la justice, ce sont aussi des moyens mieux employés au plus près des professionnels et des justiciables.
L'amélioration de l'organisation des juridictions passe aussi par des expérimentations innovantes pour améliorer concrètement le service rendu aux justiciables. C'est ce que nous proposons à travers l'expérimentation d'un véritable tribunal des activités économiques (TAE), car l'organisation actuelle des juridictions commerciales manque de lisibilité pour les justiciables et les différents acteurs.
Je vous propose également d'expérimenter une contribution économique – comme cela se pratique dans divers pays européens – afin de lutter contre les recours abusifs et d'inciter à l'amiable. Cette contribution permettra aussi de bénéficier de l'effet de marque car souvent, dans le monde économique, ce qui est gratuit est perçu comme de moindre qualité. Elle tiendra compte de la capacité contributive du demandeur et du montant de la demande. Je veux ici remercier de leur action les rapporteurs Jean Terlier et Philippe Pradal, qui ont apaisé un certain nombre de craintes concernant ces expérimentations novatrices.
Une amélioration de l'organisation de nos juridictions doit aussi être opérée dans les politiques pénales prioritaires. Je pense bien sûr à la question de la lutte contre les violences intrafamiliales avec la création de pôles spécialisés, conformément au rapport de grande qualité rendu par la députée Émilie Chandler et la sénatrice Dominique Vérien. Cette nouvelle organisation désormais inscrite dans le rapport annexé sera traduite dans le code de l'organisation judiciaire par un décret qui vous sera transmis et pris à l'été.
Le texte en débat défendra également, grâce à la présidente Naïma Moutchou, une ambition forte en matière de justice restaurative afin que tous les tribunaux soient en mesure de proposer une offre aux justiciables d'ici à 2027.