–, il nous faut nous prononcer en toute hâte au sujet de sa prorogation jusqu'au mois de mars. Aussi, comme les sénateurs, je m'interroge. C'est cet hiver que nous aurions dû travailler sur un projet de loi solide, étayé, et non aujourd'hui, toutes affaires cessantes. Peut-être devriez-vous relire La Fontaine : « il faut partir à point », « aller son train de sénateur », comme la tortue, qui « se hâte avec lenteur ».
Cette urgence et cette précipitation se sont opposées à toute étude sérieuse des mesures de plafonnement. Vous ne nous apportez aucun élément qui permette d'évaluer leurs conséquences, notamment concernant l'ILC, de même que vous n'avez donné aux locataires aucune assurance, même verbale, que les APL seraient portées à la hauteur de l'IRL plafonné, de même que vous ne vous êtes nullement engagés à tenir compte du besoin d'accompagnement des propriétaires, auxquels vous imposez un effort considérable au moment même où ils doivent procéder à des travaux de rénovation énergétique. Or le plafonnement de l'augmentation des indices locatifs ne saurait constituer à lui seul une politique durable alors que la crise du logement s'aggrave, alors que presque 2,5 millions de Français attendent un logement social et que 330 000 sont sans domicile fixe. Pour faire face à une telle situation, il faudra davantage que des mesurettes.
Le loyer constitue le principal poste de dépenses des ménages : dans les zones tendues, il peut représenter 40 % de leur budget ! En tant qu'il vise à prolonger le plafonnement de la hausse des loyers, le texte est favorable aux locataires et aux petites entreprises, lesquelles, nonobstant les dénégations du ministre de l'économie qui se félicite de la résistance française, souffrent de la crise économique, de l'inflation. Gardons-nous toutefois de croire que cette proposition de loi ne coûtera rien : l'argent ne tombe jamais du ciel. En comparaison du gel des loyers préconisé par les députés LFI, le plafonnement souhaité par la majorité reste certes un moindre mal ; sa reconduction n'en représentera pas moins pour les bailleurs un effort de près de 1 milliard d'euros, les plus pénalisés étant ceux qui n'avaient pas révisé leurs loyers depuis plusieurs années. Peut-être aurait-il fallu étendre votre dispositif aux locations saisonnières, alléger les charges des propriétaires, peut-être faudrait-il prendre l'habitude d'inciter plutôt que de contraindre…
Au-delà du texte dont nous discutons, l'heure est grave. Alors que 82 % des Français estiment que le logement devrait constituer une priorité du Gouvernement, les recommandations du CNR ne sont pas à la hauteur des enjeux. Là encore, quelle déception ! Les mesures techniques annoncées en grande pompe ne produiront qu'un effet marginal, quand bien même, avec beaucoup d'ambition, vous appuyez « un peu sur tous les leviers », pour citer la Première ministre. Pourquoi restreindre aux logements neufs collectifs la prorogation du PTZ et « en même temps » réformer le mécanisme lié à l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) ? Que dire de la suppression du dispositif Pinel ? Lorsque la commune de Béziers, classée B2, en a été exclue, les ventes y sont tombées de 790 en 2018 à 197 en 2019. Toute l'économie locale se trouve menacée : d'ici à la fin de l'année 2024, si rien n'est fait, l'Hérault pourrait perdre 4 000 emplois dans le secteur du bâtiment.
Un électrochoc est indispensable. Une politique du logement digne de ce nom s'impose afin de répondre aux besoins des Français, qu'ils soient propriétaires, souhaitent le devenir ou préfèrent rester locataires ; elle représenterait en outre, pour l'État, des recettes fiscales en proportion. Il nous faudrait faire preuve d'ambition, mais aussi d'imagination. Ce n'est pas évident, mais nous n'en avons pas moins besoin d'un véritable plan consacré au logement, avec à la clé des solutions durables et efficaces !