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Intervention de Soumya Bourouaha

Séance en hémicycle du jeudi 15 juin 2023 à 9h00
Accompagnement des couples confrontés à une fausse couche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSoumya Bourouaha :

Il ne faut jamais sous-estimer la douleur d'un couple qui vient de perdre un enfant, et ce quel que soit le stade de la grossesse. Les interruptions spontanées de grossesse touchent environ 200 000 femmes par an, et donc autant de partenaires. Bien que ce chiffre soit important, il n'existe aucun protocole d'accompagnement spécifique pour ces situations, ce que vient corriger cette proposition de loi.

Depuis la première lecture à l'Assemblée nationale, le texte a été enrichi. Cela a notamment permis d'intégrer dans le processus d'accompagnement le partenaire des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse – ce que nous avions demandé par voie d'amendement. Ce texte va finalement au-delà de la proposition initiale, qui envisageait une simple prise en charge par la sécurité sociale d'un suivi psychologique de ces femmes. Désormais, il propose que chaque ARS mette en œuvre un parcours spécifique médical et psychologique pour mieux orienter, accompagner et informer les couples qui en ressentent le besoin.

Le texte vise aussi à mieux former les professionnels de santé aux conséquences psychologiques de la fausse couche. Toutefois, la prise en charge psychologique prévue – le recours au dispositif MonParcoursPsy, soit un accompagnement limité à huit séances – nous paraît insuffisante.

En outre, un nouvel article a introduit de nouvelles dispositions, notamment en cas d'incapacité de travail suite à une interruption spontanée de grossesse avant vingt-deux semaines d'aménorrhée. Dans ce cas, l'assurance maladie assurera le versement d'indemnités journalières à l'assurée sans délai – aucun jour de carence ne pourra être appliqué –, ce à quoi nous sommes favorables.

Enfin, cette proposition de loi dispose qu'un employeur ne peut rompre le contrat d'une salariée pendant les dix semaines qui suivent une interruption spontanée de grossesse ayant eu lieu entre la quatorzième et la vingt et unième semaine d'aménorrhée. Il aurait sans doute mieux valu l'étendre à un stade plus précoce de la grossesse, la douleur due à la perte d'un enfant n'étant pas fonction du nombre de semaines d'aménorrhée. Cependant, nous nous étonnons de la disposition relative à la possibilité de rupture de contrat avec une salariée si celle-ci a commis une faute grave ou qu'il est impossible de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'interruption spontanée de grossesse. Cette disposition n'apparaît pas nécessaire, puisque cela est déjà prévu par le code du travail et que la situation de grossesse n'a pas à être retenue.

Dans les faits, ce texte nous semble insuffisant et ne permet pas de combler le manque d'accompagnement spécifique que réclame la situation d'interruption spontanée de grossesse. Nous regrettons notamment que deux de nos propositions n'aient pas été retenues. Premièrement, nous demandions un examen de contrôle à un mois de la sortie de l'hôpital, qui aurait permis de s'assurer des besoins en termes d'accompagnement psychologique. Deuxièmement, nous étions favorables à un congé de trois jours, également ouvert au conjoint, disposition qui existe depuis 2021 en Nouvelle-Zélande. En France, quelques entreprises pionnières ont déjà mis en œuvre un congé pour fausse couche. Il est dommage que le législateur ne s'en soit pas emparé.

La question mérite aussi d'être abordée dans la dimension de la santé au travail. En effet, au regard du nombre de fausses couches, il ne suffit pas de s'intéresser au seul aspect curatif de cette question : il convient d'envisager aussi son côté préventif.

Jusqu'à la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, il existait une obligation de « surveillance médicale renforcée » de la femme enceinte. Désormais, le code du travail ne prévoit qu'un « suivi individuel renforcé », pour lequel l'état de grossesse n'est plus pris en compte en tant que tel. Or, s'il est indéniable qu'il faut mieux prendre en charge les interruptions spontanées de grossesse, il est tout aussi primordial de mieux les prévenir. En ce sens, inscrire une obligation de suivi individuel renforcé pour toutes les femmes enceintes relève d'une nécessité en droit du travail.

Toutefois, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera pour ce texte, en vous remerciant du travail effectué.

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