une discrimination sociale, une injustice criante ! Encore une fois, la bataille n'est pas terminée ; du moins pouvons-nous nous féliciter que cette dérive, comme les autres, ait été prise en compte.
Pour autant, il convient de ne pas nous en tenir là : tout le secteur publicitaire est insuffisamment régulé. Savez-vous, chers collègues, que le rapport Big Corpo, publié en 2020 et auquel ont contribué vingt-deux associations, a établi que nous, Français, consacrons chaque année 31 milliards – car, par l'intermédiaire de notre consommation, c'est nous qui les payons – à façonner notre propre imaginaire ? Au total, la puissance publique dépense à des fins de prévention et de santé 3,7 milliards par an, 11 % des dépenses publicitaires ! En ajoutant à ces dépenses publiques celles que répertorie l'Agence de la transition écologique (Ademe), à peine atteignons-nous 15 %.
Notre société confie donc au privé 85 % de la fabrication de son imaginaire. C'est là un système qui n'est pas durable, une servitude marchande dont nous devons nous libérer. Le langage n'a que trop longtemps été un angle mort de la République, qui a ainsi laissé se développer une idolâtrie du marché : nous devons restituer à l'agora, à la chose publique, à la res publica, la capacité de l'investir – d'où la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), une directive vigoureusement combattue par les libéraux et les conservateurs, qui, en obligeant de nombreuses entreprises européennes à établir un reporting extrafinancier sur leurs implications RSE, va faire de l'Union européenne une véritable puissance normative.
Nous devons poursuivre ce combat contre l'imaginaire marchand. Il est le combat de l'éducation civique, de l'éducation populaire et de la puissance publique ; il est tout simplement celui de la République, chers collègues. Je suis heureux qu'avec cette initiative, nous introduisions un peu de régulation dans ce monde trop souvent brutal, et qu'au travers de ce combat, si mineur soit-il, nous puissions contribuer au grand récit qui était aussi celui d'Abraham Lincoln lorsque, dans un discours célèbre de septembre 1862, il rappela qu'en libérant l'esclave, c'est à l'homme libre que l'on rendait sa liberté.