Intervention de Patrick Hetzel

Réunion du jeudi 25 mai 2023 à 17h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel, rapporteur spécial (Justice) :

Le ministre parle de ce qui va bien, le rapporteur de ce qui peut être amélioré : c'est l'usage !

En 2022, la mission Justice a consommé 12,68 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 10,65 milliards d'euros en crédits de paiement. Le taux d'exécution des crédits dépasse 99 %, ce qui doit être souligné.

En 2022, la hausse des dépenses a principalement été tirée par les crédits de titre 2, c'est-à-dire les dépenses de personnel, qui ont progressé de 320 millions d'euros, et les dépenses d'investissement de la mission, qui ont servi à financer les projets immobiliers des services judiciaires, de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que le plan de transformation numérique du ministère de la justice.

Ces résultats cachent néanmoins plusieurs difficultés.

En premier lieu, l'exécution des dépenses de personnel s'est révélée particulièrement complexe en 2022, ce qui a conduit la contrôleure budgétaire et comptable ministérielle à qualifier leur gestion de « mouvementée » : c'est selon moi un euphémisme. Dès le mois de janvier 2022, plusieurs arbitrages ont conduit à rehausser le schéma d'emploi des services judiciaires de 695 ETP. À cela s'est ajoutée la hausse du point d'indice. Pour faire face à ces besoins, près de 20 millions d'euros ont été ouverts par la loi de finances rectificative du 16 août 2022, la réserve de précaution a été intégralement mobilisée et 100 millions supplémentaires ont été ouverts par deux arrêtés de répartition en fin d'année.

Si la hausse du point d'indice est un élément exogène, qui a concerné l'ensemble des ministères, la hausse considérable du schéma d'emplois du programme 166 Justice judiciaire au lendemain de l'adoption de la loi de finances est bien plus contestable et aurait dû être prise en compte dès l'examen du PLF. Je l'avais signalé à l'époque : il y a là une certaine légèreté budgétaire.

La situation du ministère de la justice est par ailleurs paradoxale, dans la mesure où la surconsommation des dépenses de personnel s'est accompagnée d'une sous-exécution des schémas d'emplois des magistrats et des greffiers, qui prévoyaient pourtant une hausse modeste de 50 emplois.

Au regard des objectifs de recrutement définis par le ministère de la justice, fixés à 1 500 greffiers et 1 500 magistrats, le résultat de l'année 2022 peut laisser craindre que ces promesses ne pourront être tenues.

S'agissant des personnels de surveillance pénitentiaire, la situation est encore plus inquiétante : 179 créations de postes étaient prévues en loi de finances, et l'exécution du schéma d'emplois s'est terminée avec 126 emplois en moins. J'avais, là aussi, lancé l'alerte lors des débats budgétaires.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez abordé rapidement ce sujet, mais pourriez-vous revenir sur ce que vous entendez faire pour améliorer l'attractivité des métiers de la justice ?

Les crédits alloués aux frais de justice et à l'aide juridictionnelle ont été surexécutés en 2022. Les efforts de sincérisation de ces deux postes de dépenses ont progressé depuis plusieurs années, j'en conviens aisément, mais ils restent insuffisants.

Les frais de justice se sont élevés à 656 millions d'euros, soit une hausse de 6 % par rapport à 2021. Pour assurer leur soutenabilité en fin de gestion, un décret de virement a abondé le programme 166 de 20 millions d'euros en décembre 2022. Les crédits alloués à l'aide juridictionnelle se sont élevés à 632 millions d'euros et ont excédé la prévision de 16 millions d'euros. Des ouvertures de crédits supplémentaires ont donc été réalisées par les deux lois de finances rectificatives.

J'aborderai pour terminer la question des prestations de conseil auxquelles le ministère de la justice a recours. L'Inspection générale de la justice a révélé que l'administration pénitentiaire avait consommé près de 700 000 euros pour des prestations de conseil juridique pour la passation des marchés de maintenance des établissements pénitentiaires et des prestations de conseil en matière de ressources humaines. Sur de tels sujets, le ministère de la justice dispose des compétences nécessaires ! Ces dépenses auraient pu être évitées.

Monsieur le garde des sceaux, quelles mesures avez-vous prises pour limiter le recours aux cabinets de conseil ?

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