Pour en venir aux procédures judiciaires, monsieur Schellenberger, le 15 octobre 2019, à la demande du groupe LR, nous avions créé la commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de Paris le 3 octobre 2019, commission qu'Éric Ciotti a présidée et dont j'étais le rapporteur. Ces actes, qui avaient entraîné la mort de quatre personnes, étaient évidemment judiciarisés. Nous avons veillé à ne pas aller jusqu'à la qualification pénale, car le rôle d'une commission d'enquête est d'examiner, non de qualifier les faits ou d'apporter une réponse pénale. C'est ce que la commission d'enquête, lorsqu'elle sera constituée, pourra faire en toute transparence, de façon transpartisane et pluraliste.
Enfin, mes amendements, qui ont été évoqués avant même que je ne les présente, porteront sur trois aménagements.
Le premier concerne la période visée. La proposition de résolution avait pour objet d'analyser les violences commises entre le 16 mars et la date de son dépôt devant le bureau de l'Assemblée nationale, soit le 4 avril. Je vous proposerai d'aller jusqu'à la date de son examen en commission, aujourd'hui 3 mai, voire de l'examen en séance, le 10 mai. La date du 1er mai n'est pas un critère. En revanche, il n'a échappé à personne qu'il y a un avant et un après 16 mars – peut-être parce que la Première ministre a utilisé le 49.3 et engagé la responsabilité du Gouvernement… Il y a eu une accélération de certains phénomènes : le 16 mars a été un moment particulier dans le débat démocratique français.
Vous l'avez noté, les mouvements sociaux de la première phase des rassemblements ont démontré que l'on pouvait manifester en France de façon sereine, populaire, familiale et politique, sans violence. C'était le résultat de l'organisation des préfectures, y compris de la préfecture de police de Paris, et des organisations syndicales,
Le deuxième aménagement se rapporte aux manifestations. L'article unique vise les « manifestations illicites ». Or certaines d'entre elles, illicites au départ, ont pu être ensuite autorisées par décision juridictionnelle ; d'autres n'ont été ni autorisées ni interdites ; enfin, des violences inacceptables ont été commises en marge de manifestations légales. Par conséquent, je propose que, sur la période étendue que j'ai décrite, la commission d'enquête puisse examiner l'ensemble des manifestations et des rassemblements à l'occasion desquels des violences ont été commises.
Troisième aménagement : nous devons veiller à ce que la commission d'enquête travaille efficacement. Si nous voulons analyser les phénomènes de violence commis en marge, pendant, avant et après des manifestations, nous devons pouvoir les contextualiser. Je propose ainsi que la commission d'enquête ne s'attache pas uniquement à la « conduite » des manifestations, mais à leur « déroulement ». La commission d'enquête aura alors tout loisir d'examiner l'ensemble des situations. Vous avez évoqué la lettre du 17 avril de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté : si la commission d'enquête le souhaite, elle pourra auditionner Mme Simonnot en vertu de la nouvelle rédaction de l'article unique.
Pour conclure, monsieur Mathieu, vous avez cité l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais vous oubliez systématiquement son article 5 : « La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. » Ce sera précisément le champ d'investigation de la commission d'enquête.