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Intervention de Elsa Faucillon

Réunion du mercredi 3 mai 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

Avec les deux textes qu'elle examine ce matin, notre commission semble davantage pavoiser le drapeau « tourner la page », qu'être dans l'esprit des cent jours d'apaisement.

Puisque tous les groupes semblent devoir montrer patte blanche, je rappelle qu'en 2018, le groupe GDR avait demandé à cor et à cri la création d'une commission d'enquête sur les violences importantes qui avaient eu lieu en marge de la manifestation du 1er mai et sur la façon dont les forces de l'ordre étaient outillées pour y faire face. Les seuls à l'avoir refusée étaient les députés du groupe majoritaire La République en marche.

Votre proposition de résolution s'inscrit dans une stratégie plus globale pour délégitimer et criminaliser les organisations et les partis de gauche de notre pays. Sa rédaction n'est pas neutre : il s'agit non de mener une enquête sur les comportements violents en marge des manifestations mais de nourrir un discours dangereux, qui cherche à priver certaines personnes de leur liberté de manifester, à les désigner comme ennemis de la République, et à justifier l'usage de la force par les dépositaires de l'autorité publique et la répression judiciaire. Face aux réprimandes fondées que différentes instances européennes et mondiales adressent à la France, vous cherchez à légitimer une violence disproportionnée.

Ce discours est dangereux également en tant qu'il établit un lien entre des partis institués et des personnes perçues comme étant en dehors de l'État de droit, dans le but de délégitimer plus globalement les partis et les groupes de gauche. C'est une manière d'ouvrir la porte pour les sortir du champ républicain, ce qui va dans le sens des propos du ministre Gérald Darmanin, en particulier quand il parle de « terrorisme intellectuel ».

Alors que les syndicats, les associations, les organisations supranationales, la Défenseure des droits et d'autres acteurs institutionnels vous alertent sur les pratiques violentes des forces de l'ordre et s'inquiètent des prises de parole antidémocratiques du Gouvernement, la proposition de résolution ne va-t-elle pas, au mieux, contre le sens de l'histoire, et au pire offrir un espace supplémentaire pour nourrir et justifier ces pratiques et prises de position ?

La proposition de loi visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies, que nous venons d'examiner, semblait à mille lieues des attentes et des besoins actuels. La présente proposition de résolution, elle, a un sujet au cœur de nos préoccupations, mais est orientée à l'inverse de ce qu'il faudrait. Elle semble être un élément supplémentaire dangereux pour notre démocratie. Ariane Vidal-Naquet et Xavier Magnon ont d'ailleurs lancé un appel pour inscrire la liberté de manifester dans la Constitution, puisqu'elle n'y figure pas, contrairement aux constitutions de 1791, 1793 et 1848.

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