C'est un exposé précis tout à fait nécessaire à ce stade de nos travaux. Vous avez développé une vision claire de ce qu'a été l'histoire particulière de la gestion du commando dit « Érignac » et du procès d'Yvan Colonna. La FIDH l'avait suivi de près, s'agissant notamment de la conformité au droit européen en matière de droit de la défense et de la gestion du statut de DPS.
Je souhaite revenir sur le courrier du 15 octobre 2019 adressé au siège de la LDH par l'ensemble des parlementaires députés et sénateurs de la Corse– notre rapporteur était alors redevenu maire d'Ajaccio. Ce courrier évoque uniquement Alain Ferrandi et Pierre Alessandri car, quitte à faire fi des positions fondamentales que nous portions, compte tenu de ce qui nous était dit, nous étions nous-mêmes entrés dans le jeu consistant à dissocier, pour des raisons tactiques, le cas de ces deux personnes du cas d'Yvan Colonna. En effet, MM. Alessandri et Ferrandi terminaient ou venaient de terminer leur peine de sûreté, alors que le cas d'Yvan Colonna nous était présenté comme beaucoup plus problématique et symbolique politiquement.
Je vais lire quelques passages de ce courrier.
« Le 11 juillet 2003, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 18 ans pour leur participation à l'assassinat du préfet Claude Érignac le 6 février 1998.
Depuis le 25 mai 1999, ils sont détenus et effectuent leur peine dans différentes prisons hors de Corse. Leur période de sûreté étant arrivée à échéance le 25 mai 2017, ils demandent à être rapprochés dans une prison insulaire. Leur inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés constituerait un obstacle majeur à cette demande. »
Suit un passage important sur ce qu'implique le statut.
« Concrètement, les DPS sont soumis à une surveillance spécifique permanente et à un régime de contrainte maximale : contrôle œilleton réalisé à chaque ronde de nuit avec éclairage de la cellule ; observation quotidienne par les agents pénitentiaires de leur comportement avec le personnel et de leurs relations en détention ; contrôle de leurs correspondances écrites et téléphoniques ; fouilles régulières et approfondies de leur cellule. Les familles subissent les effets de ce régime. Leur comportement avec les agents est aussi observé, ainsi que leurs relations avec les autres familles de détenus.
Dans ce cadre extrêmement contraint et sous haute surveillance, l'administration pénitentiaire constate qu'Alain Ferrandi et Pierre Alessandri ne posent aucune difficulté de gestion au quotidien.
La demande de rapprochement des deux hommes s'inscrit dans les engagements internationaux auxquels souscrit la France, notamment les règles pénitentiaires européennes du Conseil de l'Europe consultables sur le site du ministère de la Justice. La règle 17-1 préconise : « Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale. » »
S'ensuivent les demandes de rapprochement des deux hommes, et celle de désinscription du répertoire des DPS, condition nécessaire pour permettre ce rapprochement. Le courrier exprime notre souhait que le droit au rapprochement familial soit respecté. Nous sommes, à ce moment-là, dans une demande de rapprochement et non pas dans une demande de libération conditionnelle.
Avez-vous le souvenir du traitement politique et administratif réservé à ce courrier ? Il avait été rédigé avant la séquence 2020-2022 et notamment avant le déport du garde des Sceaux au profit du Premier ministre s'agissant de la gestion de ces détenus, intervenu en octobre 2020 – soit un an après le courrier –, avant l'enchaînement des manifestations et, enfin, avant le drame que nous connaissons.