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Intervention de Davy Rimane

Séance en hémicycle du jeudi 4 mai 2023 à 9h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavy Rimane :

Ces héros, je l'ai dit, n'étaient pas préparés. Surtout, le système sanitaire n'était pas prêt à affronter cette crise sanitaire, en raison du manque criant de moyens humains, matériels et financiers. Ce manque n'a fait qu'aggraver les conditions de lutte, de travail, sans compter les différentes déclarations de celles et ceux qui sont censés nous donner du courage, nous rassurer quelque peu ou nous donner espoir – car eux et nous en avions besoin. Ces déclarations ne faisaient qu'ajouter de la crainte à l'anxiété et nous laissaient dans le désarroi. Les décideurs se sont enfermés dans ce qu'ils ont baptisé « conseil de défense », sphère des décisions stratégiques pour engager la lutte contre la crise sanitaire. Ce conseil de défense est resté pour nous opaque et hermétique ; avouons que ce n'est pas la meilleure des manières pour ramener de la sérénité au sein de la population.

Les premières fissures commencent à apparaître du fait de la discorde entre les sachants, les experts, les scientifiques, autour des moyens de lutte contre la covid-19. Quel est le bon ou le moins mauvais des médicaments, des remèdes, des traitements ? Les firmes pharmaceutiques se lancent pour trouver ce qui permettra de sauver nos vies, celles de nos proches, de nos enfants, de nos parents. De mensonges en échecs, la lumière commence à jaillir du bout du tunnel, et l'espoir grandit. Plusieurs firmes mettent au point des vaccins en un temps record, garantissent leur efficacité et leur innocuité. Des voix d'experts reconnus dans le monde s'élèvent et mettent en garde : tout va trop vite. Les débats entre les experts n'ont pas abouti, le politique a tranché : des milliards de doses sont achetées, de façon opaque là aussi.

Les inquiétudes sur ces vaccins persistent chez certains et certaines ; des doutes naissent et grandissent, tant la gestion en la matière n'a pas permis l'émergence d'un consensus. Le Président de la République annonce qu'il ne rendra pas le vaccin obligatoire, mais il change finalement d'avis, et la loi est votée au Parlement. Tout cela va très vite, et chacun d'entre nous peut le comprendre, car la volonté de sauver la population est primordiale. Pourtant, certains le vivent comme une trahison.

Dans cette lutte qui avait jusqu'alors donné lieu à cette union, la fracture était faite. Exécutif comme législateurs, nous avons contribué à instaurer deux mondes : d'un côté, les accommodants et les rationnels ; de l'autre, les parias. D'une crise sanitaire, nous avons basculé dans une crise sociale, conséquence d'une rupture de confiance. Le monde des courageux face à celui des lâches ; le monde des conscients face à celui des inconscients ; le monde des vaccinés face à celui des non-vaccinés. Nos héros vaccinés sont restés des héros ; les autres ont été déchus et sont devenus des parias.

À quel moment avons-nous perdu le fil ? Pourquoi ? Je n'ai pas forcément de réponses, mais j'ai des idées, que je garde pour moi, car le moment n'est pas venu d'en faire étalage pour susciter un débat ; la question est encore beaucoup trop sensible pour certains et certaines.

Toute personne dotée de sens critique qui osait poser des questions ou faire valoir des inquiétudes par rapport au vaccin était qualifiée de complotiste ou d'antivax. Pourtant, ces mêmes personnes, de même que la quasi-totalité des Françaises et des Français, sont réfractaires non pas au vaccin, mais à ce vaccin.

Où notre rationalité est-elle passée ? Ne sommes-nous pas censés répondre aux questions de société afin de convaincre du bien-fondé de ce que nous décidons dans cet hémicycle ? N'est-ce pas là le fondement de notre engagement collectif ?

Des décisions ont été prises à un moment précis, dans un contexte précis. Désormais, avec le recul, que seul le temps apporte, il apparaît que nous pouvons et devons faire mieux. Cela fait bientôt deux ans que des hommes et des femmes sont injustement suspendus, loin de leur métier, de leur passion, de leur mission. Ils ont été plongés dans le désarroi, dans la misère sociale, dans un monde administratif qui n'existe pas dans le code du travail.

Quant au principe de l'obligation vaccinale, s'il n'est pas problématique en lui-même, son application selon les modalités de la loi votée en août 2021 l'est bel et bien. Ainsi, les psychologues scolaires sont concernés, mais les enseignants ne le sont pas. N'ont-ils pourtant pas affaire au même public ? Les pompiers français sont concernés, mais les pompiers européens ne le sont pas. Les premiers ont donc été contraints de rester cloîtrés chez eux l'été dernier, pendant que les seconds étaient dépêchés jusqu'en France pour combattre les feux de forêts dévastateurs. Les personnels de santé sont concernés, mais les personnels administratifs et techniques des mêmes structures de santé ne le sont pas. Rappelons en outre que 15 % seulement des professionnels de santé exerçant en établissement de santé ont une couverture vaccinale complète. La proportion est encore moindre chez ceux qui exercent en Ehpad, auprès de nos seniors. Trouvez-vous cela cohérent ?

J'ai bon espoir que nous ferons mentir Marcel Proust, qui affirmait que « les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances […] ; ils peuvent leur infliger les plus constants démentis sans les affaiblir ». En effet, cette loi porte en elle une injustice profonde.

Or, monsieur le ministre, vous ne semblez pas disposé à vous arrêter en si bon chemin : dans l'instruction relative aux modalités de réaffectation des agents que vous avez transmise à vos services, vous vous maintenez dans l'absurde et dans la méchanceté. Faut-il rappeler que le mantra selon lequel il convient d'« être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils » n'a eu d'autre effet, jusqu'à présent, que de cliver l'ensemble du spectre politique ? Plus singulièrement, dans nos territoires, que l'on dit d'outre-mer, où le manque de tout est quotidien, nos populations ont été maltraitées, stigmatisées, infantilisées, méprisées. S'agissant des territoires ultramarins, le fameux « loin des yeux, loin du cœur » s'est installé comme une fatalité.

Toutefois, là où la colère est destructrice, le pardon est salvateur. Et la compréhension mutuelle de la multitude des réalités – de l'Hexagone à la Guyane en passant par la Polynésie ou Mayotte – est impérative pour que le travail que nous menons au sein de cet hémicycle porte ses fruits. C'est pourquoi j'aimerais vous encourager, chers collègues, à venir découvrir les réalités diverses de nos territoires, et j'aurais moi-même plaisir à accueillir en Guyane une délégation de cette assemblée. J'invite donc chaque groupe parlementaire à me faire parvenir les noms d'un ou deux de ses membres prêts à se déplacer dans les prochains mois à 7 000 kilomètres d'ici. Il est temps que les réalités décrites depuis des décennies par nos prédécesseurs soient vécues par ceux qui n'en ont reçu jusqu'à présent que l'écho.

Entrons dans une ère de compréhension mutuelle, fondée sur l'écoute, l'empathie, la bienveillance. Réconcilions ces mondes que vous avez créés. Réhabilitons nos héros. Abrogeons cette loi. Redonnons au Parlement son rôle de contre-pouvoir naturel. Redonnons confiance en notre démocratie, que vous avez déjà trop abîmée.

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