M. le ministre de l'économie, lors de son audition le mois dernier, a précisé que ce rapport avait été demandé pour remettre à plat un système particulièrement défavorable à l'État et aux usagers. Qui ne partagerait pas cette évidence ? La défiance des usagers envers la gestion des autoroutes par les sociétés autoroutières privées est telle qu'il n'est pas possible de se satisfaire de simples constats. Bien au contraire, il est urgent de rectifier le tir et de revenir sur les erreurs qui ont été commises, quitte à bousculer les calendriers prévus, si cela est envisageable.
De récents événements ont révélé une forme d'opacité dans la relation qui lie l'État et les sociétés autoroutières privées. Après qu'elles ont demandé une augmentation de 2 milliards d'euros des péages, l'ART a fait valoir que sur ce total, 800 millions d'euros n'étaient absolument pas justifiés. Comment a réagi l'État ? Il a décidé, sans faire preuve de la moindre transparence, de ne retrancher que 300 millions d'euros des 800 millions mis en cause par l'ART. Il est donc légitime de se demander comment et pourquoi il a procédé à un tel arbitrage. Comment justifier le fait que les autorités publiques aient choisi de faire ce cadeau de 500 millions à des sociétés privées florissantes plutôt que de se tourner du côté des usagers ?
Face à cette situation ubuesque pour l'État comme pour nos concitoyens, nous devons nous saisir de toutes les possibilités qui s'offriront à nous. Si la renationalisation n'apparaît pas comme la meilleure alternative à court terme car elle est trop coûteuse, ce qu'a conclu un précédent rapport sénatorial, le passage en régie publique semble être une option plus qu'intéressante. Dans ce cadre, plutôt que d'enrichir le capital et les actionnaires, les usagers paieraient uniquement pour l'entretien et les investissements réalisés sur les autoroutes qu'ils empruntent.
Par ailleurs, alors que des superprofits sont aujourd'hui reversés à des actionnaires, nous proposons que, grâce à la régie publique, l'État perçoive les péages et affecte les bénéfices réalisés, une fois l'entretien et les investissements effectués, à la transition écologique et aux modes de transport alternatifs comme le rail, dont le bilan carbone est infiniment meilleur.
Anticiper la fin des contrats de concession est un enjeu stratégique majeur pour redessiner un nouveau modèle de gestion de nos autoroutes. Ces concessions arriveront à échéance entre 2031 et 2036, soit dans un avenir proche. Selon le président de l'ART, il s'agit là d'une « opportunité historique pour repenser le modèle actuel ». Peut-être pouvons-nous même mettre un terme à ces contrats avant la date prévue car leur rentabilité exceptionnelle, dépassant les estimations initiales, a été atteinte plus rapidement qu'attendu et pose la question légitime d'une fin anticipée des concessions.
Lors d'une audition devant notre assemblée en mars dernier, M. le ministre de l'économie s'est montré plutôt ouvert à cette possibilité, à condition que le Conseil d'État juge cela possible en droit. M. Le Maire a-t-il déjà saisi cette haute juridiction ? Envisagez-vous, monsieur le ministre délégué, de mettre un terme au système des concessions pour passer à une régie publique, modèle plus vertueux pour l'État et les finances des usagers ?