Les travaux de cette commission d'enquête s'organisent en deux grands volets : faire la lumière sur la trajectoire des individus concernés et sur ce qui s'est passé, mais aussi formuler des recommandations pour un ensemble de secteurs, dont celui de la santé mentale peut faire partie, eu égard aux questions ayant émergé lors des auditions.
S'agissant de la personnalité et du comportement de l'agresseur, nous avons entendu différents propos. D'abord, les acteurs de l'appareil judiciaire, pour justifier leur positionnement et l'absence d'un transfert en quartier d'évaluation de la radicalisation (QER) à Condé-sur-Sarthe, ont évoqué un comportement très troublé qui aurait pu déstabiliser les sessions QER. Une partie des représentants de l'administration pénitentiaire ont également tenu ces propos, qui semblaient dénoter une connaissance suffisante des troubles pour évaluer cette capacité de déstabilisation. Ensuite, des agents syndiqués de la pénitentiaire à Arles nous ont dit en chœur qu'ils considéraient que l'individu était plus dissimulateur et calculateur que troublé. Ils ont souligné une propension à cacher, à calculer et à anticiper. Enfin, des acteurs du renseignement ont tenu des propos plus précis, qui laissaient supposer la transmission d'une information relative à cet individu de la part des autorités américaines qui l'avaient capturé alors qu'il se trouvait sur théâtre de guerre en Afghanistan. Cette information, qui serait arrivée dans le champ pénitentiaire, décrivait l'individu comme étant schizophrène.
Je mets en exergue ces éléments parce que des zones d'ombre subsistent dans la trajectoire et l'histoire ayant conduit à l'acte et qu'une meilleure perception du comportement de l'individu et de ses troubles aiderait à mieux comprendre ce qui s'est passé. De plus, l'Inspection générale de la justice (IGJ) a décrit le nœud gordien constitué par des fautes systémiques et le caractère non motivé des décisions de ne pas transférer en QER. La première reposait sur des avis réservé et très réservé – relatifs notamment à cette question de trouble –, émis en particulier par le parquet national antiterroriste (PNAT) dans le champ du post-sentenciel, qui n'est pas censé être le sien. Les quatre autres décisions ont été prises à Arles par la directrice d'établissement, sans explication valable, malgré les conclusions de la CPU que le rapport de l'IGJ mentionne.