Tout à l'heure, le garde des sceaux nous a dit que le juge pouvait déjà reconnaître l'état de nécessité. Or il ne l'a jamais fait pour des situations de mal-logement. La proposition de loi est si terrible que la jurisprudence évoluera forcément. J'ai confiance en la justice de mon pays : au-delà des vols de nourriture, les juges finiront peut-être par reconnaître l'état de nécessité pour les mal-logés. Pourquoi ne pas continuer à leur faire confiance ?
On vient de vous le dire : la loi qui prévoit la conditionnalité de l'hébergement d'urgence ne peut pas être respectée. Le code de l'action sociale et des familles énonce que toute personne en détresse doit être hébergée. Or nous ne pouvons que déplorer le manque de places d'hébergement aujourd'hui : vous avez beau appeler le 115 dès six heures du matin, on vous répond qu'il n'y a déjà plus de places de places, même si vous êtes une femme avec des enfants !
Mme Yadan nous a expliqué que de plus en plus de gens étaient reconnus éligibles au droit au logement opposable. C'est vrai, sauf que la loi Dalo n'est pas appliquée ! Savez-vous ce qui se passe lorsque le droit au logement opposable n'est pas respecté ? L'État se condamne lui-même à payer des amendes, qui abondent le Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), destiné à accompagner socialement les ménages en difficulté. Lorsque le juge accorde un délai, ce fonds permet justement l'intervention de travailleurs sociaux et la mise en place d'un accompagnement pour apurer les dettes, réinsérer les gens et leur épargner une situation de mal-logement.
Contrairement à ce que nous entendons depuis tout à l'heure sur les bancs de cette assemblée – et à ce que vient encore de dire M. Midy –, ce que nous défendons est totalement en lien avec cette proposition de loi. Plus vous aggravez le nombre de personnes expulsées, plus vous augmentez le nombre de sans-abri, si bien qu'il sera encore plus difficile d'appliquer ces belles lois qui ont permis, pendant trente ans, d'avoir un consensus sur la politique sociale du logement en France et d'endiguer l'augmentation du nombre de familles avec enfants à la rue. Vous remettez en cause ces principes fondamentaux. De tous les droits de l'homme proclamés par la Déclaration de 1789, vous n'en connaissez qu'un : le droit de propriété. Mais je vous rappelle le droit à vivre dignement, le droit au logement et le droit à être respecté même si l'on souffre de difficultés financières !