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Intervention de Aurélien Taché

Séance en hémicycle du mercredi 29 mars 2023 à 15h00
Protection des logements contre l'occupation illicite — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Taché :

Nul doute que leurs voix s'ajouteront et se mêleront aux vôtres, tant le texte que vous proposez est destiné aux propriétaires et criminalise les plus précaires.

Cette proposition de loi est donc préoccupante sur le plan politique, mais aussi et surtout du point de vue du droit au logement. Jamais, en France, celui-ci n'a été à ce point menacé. Peu de monde s'en émeut, pourtant, comme si c'était en quelque sorte une fatalité. En effet, le texte que nous étudions aujourd'hui va toujours plus loin, reprenant une disposition du Sénat qui étend la violation de domicile aux logements non meublés. La notion de squat y est même étendue aux situations dans lesquelles il n'est pas possible de prouver que le maintien dans le logement a été précédé d'une introduction forcée ! Le tout dans un contexte où la rénovation thermique n'avance pas et où la construction de logements sociaux s'effondre : alors qu'elle s'établissait à 123 000 logements en 2016, elle se situe aux alentours de 95 000 logements par an depuis l'application de votre odieuse réforme de la réduction de loyer de solidarité (RLS).

Mes chers collègues, absolument rien ne va dans votre texte. Alors qu'il y a urgence à s'attaquer aux inégalités d'accès au logement, vous allez voter une loi qui permettra aux propriétaires délinquants de continuer à exploiter tranquillement les souffrances des plus précaires. Votre texte prévoit en effet l'insertion systématique dans les contrats de location d'une clause de résiliation automatique en cas d'impayés de loyers. Je vous rappelle tout de même que huit personnes sont décédées rue d'Aubagne à Marseille et que l'été dernier, une adolescente a perdu la vie dans un incendie à Garges-lès-Gonesse parce que son logement était totalement insalubre.

Alors, collègues de la majorité, à votre inextinguible soif de répression – que nous constatons tous les jours en ce moment –, je vais une nouvelle fois opposer quelques chiffres. Depuis le début du parcours législatif du texte, en effet, vous semblez faire comme s'ils n'existaient pas. La Fondation Abbé Pierre estime à 330 000 le nombre de personnes sans domicile en France en 2022, soit 30 000 de plus que l'année précédente. Fin août 2022, 42 000 enfants vivaient dans des hébergements d'urgence, dans des abris de fortune ou dans la rue, selon les données de l'Unicef France et de la Fédération des acteurs de la solidarité. C'est une crise du logement inédite depuis la seconde guerre mondiale ! Surtout, chers collègues, voici un chiffre sur lequel vous ne pouvez fermer les yeux : 623 personnes sont mortes dans la rue en 2021 !

Votre proposition de loi va bien au-delà du durcissement des peines à l'encontre de ceux que vous appelez des squatteurs. D'abord, le droit actuel prévoit déjà de protéger le domicile d'une occupation et il est donc totalement inutile et injuste de vouloir condamner les occupants à des peines allant jusqu'à deux ans de prison et 30 000 euros d'amende. Pensez-vous que des personnes avec si peu de ressources soient effrayées à l'idée de cette amende ? Vous voulez des peines de deux ans d'emprisonnement pour ceux qui s'abritent, avec leur famille, dans des immeubles souvent vides depuis de trop longues d'années : vous souhaitez donc les envoyer en prison plutôt que de leur permettre de se loger, alors qu'il y a eu 623 morts dans la rue !

Votre proposition de loi se contente de mettre sous le tapis les véritables enjeux actuels du logement. Vous prétendez sécuriser les rapports entre propriétaires bailleurs et locataires mais vous ne vous attaquez jamais au problème à la racine : pour nous, Écologistes, il est urgent – Paul Molac vient de le rappeler – de s'attaquer à la question de la garantie universelle des loyers, afin de rassurer les propriétaires et de permettre à tous d'être logés sans crainte. C'est une question de droit et de dignité. C'est en permettant de sécuriser locataires et propriétaires en amont de la location, avec un système de garantie véritablement universelle, que nous permettrons l'accès au logement. S'attaquer à ce sujet en ne ciblant que les impayés, c'est tomber dans la démagogie : cela ne contribuera jamais à favoriser une location sereine pour l'ensemble des parties, et cela reviendra toujours à criminaliser la pauvreté.

Je vous en conjure, chers collègues : n'entachez pas votre mandat en votant cette loi scélérate ; réfléchissons plutôt ensemble à la façon de faire du droit au logement une réalité.

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