Nous examinons en deuxième lecture la proposition de loi du président Kasbarian, qui nous apportera des moyens indispensables pour lutter contre les squats qui pourrissent la vie d'un certain nombre de nos concitoyens. Nombre d'entre nous ont ainsi été saisis par de petits propriétaires qui, ayant parfois économisé toute leur vie pour acquérir un bien, se trouvent dans l'impossibilité de récupérer le fruit de leur travail et de leurs économies. La lutte contre les squats est capitale, aussi tiens-je, monsieur le rapporteur, à saluer votre engagement en la matière – car oui, la loi doit d'abord protéger les honnêtes gens.
Concrètement, votre proposition de loi telle qu'issue des travaux du Sénat et de l'Assemblée nationale en première lecture clarifie la notion de domicile en précisant qu'elle recouvre tout local d'habitation contenant des biens meubles, qu'une personne y habite ou non et qu'il s'agisse ou non de sa résidence principale. Il s'agit là d'une avancée indispensable. J'en profite pour rappeler que, contrairement à ce qu'affirment certains médias, le squat d'une résidence secondaire est bien constitutif du délit de violation de domicile et que, puisqu'il s'agit d'une infraction continue, l'intervention des forces de police pour faire cesser cette situation est possible à tout moment.
Le texte entend aller au-delà de la protection du domicile et protéger également la propriété en tant que telle. Il ne s'agit cependant pas de faire primer le droit de propriété sur tout autre droit social, mais de répondre de manière proportionnée et adaptée à des situations individuelles profondément injustes. Je tiens à souligner l'important travail parlementaire ayant conduit à préciser le champ du délit d'introduction ou de maintien dans un local autre que le domicile. Tout d'abord, ces travaux ont permis de limiter le champ de la répression aux seuls actes frauduleux en prévoyant, s'agissant des locaux autres que le domicile, que seule l'introduction à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, ou le maintien après une telle introduction, seront réprimés. En excluant ainsi de la répression les locataires défaillants qui ne font l'objet d'aucune procédure d'expulsion, cette restriction du champ de l'infraction répond aux inquiétudes exprimées par certains et aux réserves que j'avais émises lors de l'examen du texte en première lecture.
Les travaux parlementaires ont également conduit à instaurer dans l'échelle des peines une gradation tout à fait bienvenue. Ainsi, le squat d'un domicile, lieu particulièrement protégé en tant que lieu de la vie privée et de l'intime, est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement, alors que le squat d'un local autre que le domicile est puni d'une peine de deux ans d'emprisonnement. Ces quanta de peine assurent la cohérence de la répression des faits en question.
Enfin, je souhaite évoquer brièvement la dernière infraction créée par ce texte, pour souligner la nécessité de préserver les équilibres que nous avons trouvés : ce délit vise à punir d'une peine d'amende de 7 500 euros le fait pour un locataire qui a fait l'objet d'une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois de se maintenir dans un local à usage d'habitation. Bien que la voie civile reste la plus adaptée dans ce cas, la rédaction issue du Sénat et de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale me semble satisfaisante à plusieurs égards. Tout d'abord, les garanties qu'elle comporte permettent de protéger les locataires précaires et d'aboutir à une répression adaptée. Ensuite, le quantum de la peine encourue pour ce délit s'inscrit dans une gradation cohérente et proportionnée des peines au regard des délits de violation de domicile et de violation d'un local autre que le domicile. Il me semble donc que les travaux parlementaires ont permis d'aboutir à un bon équilibre entre la défense de la propriété immobilière, qui concerne aussi les petits propriétaires, et le droit au logement, dans le respect des principes constitutionnels.
L'Assemblée nationale et le Sénat sont convenus d'élargir le champ d'application de la procédure d'évacuation administrative, qui pourra être mise en œuvre pour la libération des domiciles comme des logements vacants. Cela répondra plus efficacement aux besoins des petits propriétaires souhaitant retrouver leur bien. J'en profite pour saluer l'amendement présenté par M. le rapporteur qui, pour consolider juridiquement le dispositif, entend inscrire dans la loi la réserve exprimée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 24 mars 2023. Le Sénat et votre commission sont également convenus de circonscrire ce dispositif aux cas de squat ; il ne sera donc pas applicable aux personnes entrées régulièrement dans les lieux, telles que les locataires impécunieux. Je m'en félicite, car la procédure d'évacuation administrative ne me paraissait pas indiquée pour régler ce type de litige.
Le texte aborde également la procédure d'expulsion qu'on pourrait dire de droit commun. À cet égard, les deux assemblées ont souhaité l'insertion automatique dans le bail d'une clause de résiliation de plein droit en cas d'impayés de loyers. Cette généralisation constitue un progrès du point de vue de la lisibilité du droit, de la simplification procédurale et de l'équité de traitement entre les locataires en cas de litige avec le bailleur. Elle sécurise le bailleur sans porter préjudice à la capacité du locataire de se défendre devant le juge en cas de litige de nature à provoquer la résiliation du bail. En outre, il s'est trouvé un consensus pour accélérer le rythme de la procédure d'expulsion. Pour n'en citer qu'un exemple, le délai renouvelable que peut accorder le juge aux occupants en phase d'expulsion lorsque leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales est réduit de trois à un an. Je ne peux qu'approuver ce nouvel équilibre qui permet d'accélérer la procédure d'expulsion tout en préservant le droit au logement, en faveur duquel le Gouvernement est pleinement mobilisé, en particulier mon collègue Olivier Klein.
Je tiens enfin à souligner la volonté commune des deux chambres de réserver aux occupants de mauvaise foi un traitement plus sévère en les privant non seulement du délai de deux mois entre le commandement de quitter les lieux et l'expulsion, mais aussi de la possibilité d'obtenir un délai de grâce. Cette mesure me paraît aller dans le sens d'une protection accrue des propriétaires, attendue de nos concitoyens, particulièrement lorsqu'ils sont confrontés à des locataires malintentionnés.
S'agissant des propriétaires, vous avez souhaité réagir à la jurisprudence de la Cour de cassation du 15 septembre 2022 en les exonérant de leur obligation d'entretien de leur bien lorsque survient un dommage pendant la période d'occupation. Tel est l'objet de l'article 2 bis de la proposition de loi ; je me félicite que cette disposition fasse consensus entre le Sénat et votre commission.
Mesdames et messieurs les députés, je souhaite que cette seconde lecture nous permette de poursuivre nos débats pour parfaire encore ce texte porteur d'espoir, mais surtout porteur de solutions concrètes et de bon sens pour nombre de nos concitoyens qui aspirent simplement à jouir du fruit de leur labeur – ce qui, vous me le concéderez, est bien le moins.