Vous l'avez compris, le champ d'investigation de cette commission d'enquête dépasse le seul cas de M. Elong Abé. Sa victime, Yvan Colonna, avait le statut de détenu particulièrement signalé (DPS). Au cours de nos travaux, des critiques très importantes ont été formulées par différents acteurs – juristes et politiques notamment – sur le traitement spécifique de la gestion du statut de DPS des détenus du « commando Érignac ». Certains d'entre nous ont considéré que les critères, assez larges, définissant ce statut pouvaient faciliter un certain arbitraire afin d'éviter leur sortie de prison. D'un côté, un détenu est parfois géré avec clémence, volontairement ou non, et de l'autre, avec rigueur, comme en attestent les analyses justifiant le maintien d'Yvan Colonna sous ce statut.
Avez-vous bénéficié d'informations de la part du renseignement pénitentiaire ? Ces individus sont en effet suivis dans le cadre du logiciel Genesis, mais également par le délégué local au renseignement pénitentiaire (DLRP), en l'occurrence à Arles, en lien avec sa hiérarchie interrégionale et nationale, par les groupes d'évaluation départementaux (GED) – en l'espèce, celui piloté par la préfecture de police des Bouches-du-Rhône. Les filtres sont donc nombreux, y compris avec l'obsession de la sortie, légitime, pour partie, mais illégitime lorsque, selon nous, le parcours carcéral est relativisé.
De manière générale, entretenez-vous des relations permanentes avec ces individus, même si vous les évaluez « à l'instant t » ? Êtes-vous informé des incidents dont ils sont responsables ? Notre commission a permis d'établir qu'entre les auditions libres réalisées le 30 mars 2022 avec l'ancienne directrice et les auditions sous serment, quatre incidents, avec sanctions disciplinaires, ont été maquillés, voire cachés. L'un d'entre eux, survenu en août 2021, a entraîné un passage en commission de discipline le 16 septembre, avant une affectation en emploi général le 28 septembre, révélatrice de cette « marche forcée » vers la sortie.