Mes chers collègues, nous auditionnons à huis clos M. Naoufel Gaied, chef de la mission de lutte contre la radicalisation violente (MLRV), accompagné de Mme Véronique Pajanacci, adjointe au chef de la mission, et de Mme Caroline Ciancia, chargée de mission.
Au sein de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), la MRLV a vocation à définir et à coordonner la stratégie de prévention et de lutte contre la radicalisation violente. De façon concrète, elle définit les besoins nécessaires pour assurer la prise en charge des détenus radicalisés.
La question de l'évaluation de la radicalisation, du moment auquel elle doit être conduite et de ses conséquences est au cœur des travaux de notre commission d'enquête. L'agresseur d'Yvan Colonna est un détenu radicalisé qui, comme tel, fait partie du public cible de la MRLV.
Par ailleurs, nos auditions ont révélé que les divers acteurs – administration pénitentiaire, magistrats, services de renseignement, Inspection générale de la justice (IGJ) – ne partageaient pas une vision commune des dispositifs d'évaluation de la radicalisation et de leur séquençage dans le parcours pénitentiaire de ce détenu. Des avis très différents, voire antagonistes, ont été émis s'agissant de la vocation des quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) au cours des précédentes auditions.
Certains ont affirmé qu'un profil comme celui de Franck Elong Abé n'avait pas sa place en QER, compte tenu notamment de sa radicalisation, bien connue, et de son comportement, difficilement gérable, qui aurait pu perturber, voire déstabiliser une session QER. D'autres, notamment les membres de l'IGJ chargés d'une mission d'inspection de fonctionnement à la maison centrale d'Arles, ont fait part de leur conviction selon laquelle les QER ont précisément vocation à accueillir de tels profils, afin certes de les évaluer, mais également de prévenir un éventuel passage à l'acte violent, étayant leur position avec le code de procédure pénale. La doctrine en la matière semble donc sujette à interprétation, au point de donner lieu à des avis nettement antagonistes de la part des personnes auditionnées jusqu'à ce jour par notre commission d'enquête.
Monsieur Gaied, vous comprenez à quel point votre audition est précieuse. Elle nous permettra de faire le point sur la stratégie de lutte contre la radicalisation violente en général, ainsi que sur les moyens dont vous disposez et sur les outils mis à votre disposition, tels que les QER et les quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR), pour la déployer.
Nous souhaitons aussi vous entendre sur les relations que vous entretenez avec les services de l'administration pénitentiaire chargés de la gestion carcérale, ainsi qu'avec les services chargés du renseignement – qui nous ont beaucoup occupés concernant la détection de la réelle dangerosité de Franck Elong Abé – qu'il s'agisse du service national du renseignement pénitentiaire (SNRP) ou des services partenaires chargés du suivi en dehors de la détention.
De manière plus spécifique, nous aborderons le cas précis du parcours de Franck Elong Abé, à la lumière du rapport de l'IGJ, qui fait clairement état d'alertes émises en 2020 par la coordinatrice MLRV de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille.
Notre rapporteur, M. Laurent Marcangeli, vous a adressé un questionnaire pour vous permettre de préparer cette audition. Nous vous remercions de bien vouloir transmettre ultérieurement à la commission d'enquête des éléments de réponse écrits, ainsi que tout autre élément d'information que vous jugerez pertinent de porter à sa connaissance.