La surexposition des enfants aux écrans est un phénomène croissant, qui doit retenir toute l'attention des pouvoirs publics, tant les risques et dangers qu'il entraîne sont importants du point de vue de la santé publique, du développement cognitif, mais aussi des relations sociales.
Les chiffres que vous avez mis en avant, madame la rapporteure, doivent tous nous interpeller. Sept cent vingt-huit, c'est le nombre d'heures que passe, en moyenne, chaque année, un enfant âgé de 3 à 10 ans derrière un écran. Quant aux enfants âgés de 0 à 3 ans, ils sont un tiers à prendre leur repas devant un écran. Troubles du langage et de la mémoire, retards de développement et phénomènes d'addiction sont les symptômes de cette épidémie silencieuse qui touche particulièrement les générations Z et alpha.
Autre conséquence de la surexposition aux écrans : les troubles de la vision. Selon la Société française d'ophtalmologie, l'Europe de l'Ouest pourrait voir son taux de personnes myopes passer de 28,5 % en 2010 à 56,2 % en 2050. Plus grave encore, près d'un milliard de personnes pourraient présenter un risque accru de devenir aveugles.
Ces chiffres et constats alarmants commandent aux décideurs publics de prendre d'urgentes mesures préventives. C'est pourquoi le groupe LIOT soutient fermement la volonté de mener une politique publique de prévention des risques liés aux écrans numériques pour la jeunesse. À ce titre, l'article 1er de la proposition de loi est pertinent en ce qu'il inscrit une telle politique dans le code de la santé publique. Celle-ci passera notamment par la formation des professionnels de santé et de la petite enfance. Cela suppose également, et principalement, la sensibilisation des parents. Dans ce but, vous prévoyez l'inscription de messages de prévention sur les emballages et l'encadrement de certains messages publicitaires : nous y souscrivons.
Par ailleurs, il est judicieux que l'application de cette politique incombe au conseil départemental, dans la mesure où celui-ci organise déjà la protection maternelle et infantile (PMI). Néanmoins, nous nous interrogeons sur le bien-fondé de l'ajout de nouvelles compétences dans la loi, dans la mesure où les départements sont déjà mobilisés sur la question. Nous prenons note de la volonté de la rapporteure de revenir sur ce point lors de l'examen du texte en séance.
Le véritable enjeu réside dans les moyens alloués aux départements pour mener à bien leurs missions de prévention. À ce sujet, j'interroge le Gouvernement : une compensation est-elle prévue pour les départements, alors qu'ils nous alertent sur leurs difficultés à trouver et à recruter des intervenants ?
En outre, notre groupe s'interroge sur la pertinence de certaines mesures présentes dans le texte, qui relevaient davantage du domaine réglementaire que de celui de la loi. Nous sommes satisfaits de la nouvelle rédaction de l'article 2 relatif aux messages de prévention figurant dans le carnet de grossesse. Son inscription telle quelle dans le code de la santé publique n'était pas adaptée ; il était nécessaire de renvoyer cette disposition à un décret.
Toutefois, nous continuons de nous interroger sur la restriction, inscrite dans le règlement intérieur des établissements, de l'utilisation des appareils par les professionnels encadrants, en présence d'enfants. Cette mesure nous semble disproportionnée et particulièrement contraignante. La rédaction ne permet pas de savoir quel usage est précisément visé. Les usages pédagogiques seront-ils les seuls visés ou bien l'usage des téléphones des enseignants, par exemple, le sera-t-il également ?
Plus largement, notre groupe estime qu'il était suffisant d'inscrire dans la loi l'existence d'une politique publique de prévention. En effet, il revient au pouvoir réglementaire, aux professionnels de santé, aux éducateurs et aux collectivités locales de déterminer et d'appliquer cette politique. Le principal enjeu, selon nous, réside dans les moyens que les pouvoirs publics y consacreront, et l'investissement de toutes les parties prenantes.
Nous constatons par ailleurs que cette proposition de loi est examinée alors même que notre assemblée se prononce sur la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants ou encore la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne. Ces textes se rapprochent de ceux que nous avons adoptés sous la précédente législature, telle la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet. Il aurait peut-être été intéressant que ces questions, qui sont liées, soient traitées dans un seul et même texte. Il faudra désormais s'assurer de la cohérence de toutes les mesures que nous adopterons, dans l'objectif de protéger nos enfants. D'ici-là, notre groupe soutiendra assurément cette proposition de loi.