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Intervention de Soumya Bourouaha

Séance en hémicycle du mercredi 1er mars 2023 à 15h00
Femmes et retraite

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSoumya Bourouaha :

Cela fait maintenant plusieurs semaines que le Gouvernement et la majorité travaillent leurs éléments de langage pour tenter de nous faire croire que la réforme des retraites serait juste et équilibrée. Les femmes en seraient même les premières bénéficiaires – le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement dit pourtant le contraire.

Notre débat est donc l'occasion de rappeler quelques faits et d'expliquer pourquoi votre réforme n'est favorable à aucun de nos concitoyens, et certainement pas aux femmes. Elle va davantage les affecter car elles seront plus touchées par le relèvement de l'âge de départ à la retraite, comme l'illustrent ces quelques exemples, parlants. Ainsi, pour la génération née à partir de 1966, l'âge de départ légal moyen est repoussé de sept mois pour les femmes, contre cinq mois pour les hommes. Pour la génération née à partir de 1972, c'est encore pire : l'âge de départ légal moyen recule de neuf mois pour les femmes, contre cinq mois pour les hommes.

En outre, l'accélération brutale de la mise en œuvre de la loi, dite Touraine, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites affaiblit la portée de l'avantage des trimestres acquis par enfant. Ce phénomène était parfaitement prévisible, mais le Gouvernement a fait le choix de ne pas réévaluer ce bénéfice proportionnellement au rallongement de la durée de travail. De surcroît, si, dans le privé, les femmes bénéficient d'une majoration de durée d'assurance de huit trimestres par enfant, dans le public, c'est seulement deux trimestres si l'enfant est né après 2004, et quatre trimestres s'il est né avant 2004. Vous avez vanté les bénéfices de votre réforme pour les femmes. Par cohérence, vous auriez donc pu faire un geste ! Mais rien ! En réalité, votre réforme n'avantagera que le capital et les actionnaires !

L'écart de pension entre les hommes et les femmes est en moyenne de 40 %. Ce chiffre est largement connu, il est alarmant et, si le sort des femmes préoccupait sérieusement ce gouvernement, vous l'auriez également traité lors de nos débats. Malheureusement, la réforme ne prévoit aucun rattrapage, aucune compensation. Ce n'est certainement pas la petite revalorisation du Mico pour une carrière complète au Smic qui augmentera le montant des pensions touchées par les femmes, elles qui sont les premières soumises aux bas salaires et au temps partiel.

En réalité, s'il était question d'agir concrètement pour davantage d'égalité et de justice sociale, nous aurions débattu des moyens de favoriser l'égalité professionnelle afin qu'à postes et compétences équivalents aux hommes, les femmes perçoivent la même rémunération et, donc, des pensions de retraite qui ne soient plus 40 % inférieures à celles des hommes.

Le Gouvernement nous explique que la pension moyenne des femmes va augmenter et qu'il s'en réjouit. Mais il oublie de préciser que c'est uniquement grâce à l'effort qu'elles devront fournir en travaillant deux années de plus !

De surcroît, le Gouvernement ne parle pas de toutes celles, bien plus nombreuses, dont les retraites seront rabotées parce qu'elles ne tiendront pas deux ans de plus. Pourtant, votre projet de loi fait aussi l'impasse sur la pénibilité au travail et sa compensation. Or, parmi les métiers à dominance féminine, ceux du soin et du lien sont primordiaux dans notre société, mais dévalorisés et exécutés dans des conditions très précaires. D'ailleurs, l'hiver dernier, la Cour des comptes a alerté sur le taux de sinistralité hors norme observé dans ces métiers. Les femmes qui y travaillent seront parmi les très grandes perdantes de votre réforme.

Quant à la prise en compte des périodes de congés parental dans les trimestres acquis au titre des carrières longues, il s'agit d'une avancée minuscule au regard des réalités et des besoins. Concrètement, il s'agira de prendre en compte quatre trimestres pour les femmes ayant commencé à travailler avant 20 ans. Selon l'étude d'impact, ce dispositif concernerait 2 ou 3 000 femmes sur les 400 000 qui partent en retraite chaque année.

Au lieu d'infliger brutalement deux années de travail supplémentaires aux hommes et aux femmes de ce pays, il y avait bien d'autres dispositions à prendre, des dispositions urgentes et de progrès social. Il y avait – et il y a toujours – la possibilité, si votre gouvernement en a la volonté politique, de faire le choix du progrès et de la justice sociale en renonçant à cette funeste réforme des retraites pour construire, à la place, des droits collectifs plus protecteurs et plus justes pour toutes et tous.

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