Près de dix ans se sont écoulés depuis l'entrée en vigueur des actions de groupe dans notre droit ; une trentaine de procédures seulement ont été intentées, parmi lesquelles six ont eu une issue favorable. Parallèlement, les consommateurs et les victimes se sentent toujours aussi délaissés par la justice. On ne peut donc que déplorer le bilan quelque peu décevant des actions de groupe à la française.
Le ressentiment est tel que le régime actuel entretient une défiance durable à l'encontre du système judiciaire. Je sais que les deux rapporteurs accomplissent un travail de fond sur la question, depuis plusieurs années. Je les remercie pour cette initiative parlementaire, que notre groupe soutiendra.
En l'état actuel, la procédure d'action de groupe n'est qu'une suite d'obstacles juridiques qui restreignent l'accès des consommateurs. Les critères appliqués aux associations et les délais de procédure sont autant de freins qui empêchent une véritable protection.
Par conséquent, notre groupe salue les assouplissements apportés par cette proposition de loi, notamment pour ce qui est de l'ouverture de l'intérêt à agir des associations. Nous sommes également favorables à la suppression de la mise en demeure préalable, qui avait été introduite en 2016. Cette étape additionnelle, superflue, ne faisait qu'alourdir la procédure et allonger des délais de jugement déjà excessifs.
Toutefois, nous souhaiterons obtenir quelques éclaircissements et garanties sur plusieurs sujets, à commencer par celui de l'application du texte dans le temps. Les rapporteurs ont fait le choix de n'appliquer cette nouvelle procédure qu'aux faits générateurs de responsabilité qui sont postérieurs à son entrée en vigueur. De prime abord, cela peut paraître justifié si l'on se réfère au principe de non-rétroactivité. Mais il est en réalité inutile et défavorable aux consommateurs. À deux reprises, en 2014 et en 2016, le législateur avait préféré une application immédiate, y compris pour les faits antérieurs à l'entrée en vigueur du texte. Le Conseil constitutionnel avait expressément validé cette décision. Pourquoi donc ne pas prévoir une application immédiate ? La rédaction actuelle ne va-t-elle pas faire coexister deux régimes distincts, au risque de rendre encore plus complexe le parcours des victimes ?
Ensuite, nous avons besoin d'éclaircissements s'agissant de votre volonté d'octroyer une compétence exclusive à certains tribunaux judiciaires. Quels seront ces tribunaux ? L'accès physique à la justice dans les territoires est une question importante ; il faut veiller à ne pas aggraver encore les fractures territoriales entre justifiables et juges. Aussi souhaitons-nous inscrire des garde-fous dans la loi pour éviter que les consommateurs des zones rurales, montagneuses et insulaires ne soient lésés.
Enfin, pour ce qui est de la mise en place d'une véritable sanction civile, notre groupe soutient la démarche des rapporteurs. L'amende actuelle de 50 000 euros est dérisoire et peu dissuasive. Nous comprenons le choix d'attribuer cette amende au Trésor public, mais pourquoi ne pas en attribuer au moins en partie à un fonds général dédié à des avances, à la prise en charge des frais de procès et des actions de groupe ? Il s'agit d'un point important, puisque ces frais sont un des nombreux freins au développement des actions de groupe, notamment pour les plus démunis.
Malgré ces quelques interrogations, notre groupe votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi.