Vous avez retracé la genèse des QER et des QPR, notamment les expérimentations qui les ont conduits à voir le jour, et le changement de logique de l'administration pénitentiaire concernant la destination des détenus, qui dépend désormais de leur profil. Nous avons déjà mené des auditions et nous pouvons nous appuyer sur des éléments factuels. Le rapport de l'IGJ, remis en juillet dernier, met l'accent sur des dysfonctionnements. Ils sont contestés par certains acteurs, mais certains refus nous paraissent à tout le moins étranges, en l'absence de justifications évidentes. Vous avez dit tout à l'heure que pour vous, et cela rejoint ce que d'autres acteurs ont déclaré, il n'était pas utile que Franck Elong Abé aille en QER dès lors qu'il était connu pour être radicalisé. Selon le rapport de l'IGJ, il aurait dû aller en QER dès 2019, lorsque la commission pluridisciplinaire unique (CPU) dangerosité de Condé-sur-Sarthe avait conclu, à l'unanimité, à la nécessité d'un transfert en QER de manière urgente. À Arles, où ce détenu avait été transféré, quatre réunions de la CPU dangerosité ont conduit à la même demande, à l'unanimité là encore, ou presque. Néanmoins, la directrice de cet établissement, contrairement à ce qui s'était passé à Condé-sur-Sarthe, n'a pas transféré les procès-verbaux à sa direction interrégionale, et le dossier n'a donc pas été instruit à l'échelon supérieur.
La commission d'enquête s'interroge, comme l'a fait l'IGJ, sur les avis du juge d'application des peines antiterroriste (JAPAT) et du parquet national antiterroriste (PNAT), sur lesquels s'est basée la direction de l'administration pénitentiaire pour ne pas suivre l'avis de la CPU dangerosité de Condé-sur-Sarthe – l'avis du JAPAT sur le transfert de Franck Elong Abé en QER était réservé, et celui du PNAT très réservé. Selon l'IGJ, ni le PNAT ni le JAPAT n'avaient compétence en matière post-sentencielle. Partagez-vous cet avis ?
En ce qui concerne les CPU dangerosité, qui jouent un rôle important s'agissant d'éventuels transferts en QER ou en QPR – je crois d'ailleurs qu'il est prévu depuis 2019, au niveau réglementaire, que les avis des CPU soient suivis d'une manière un peu automatique –, que pensez-vous du fait que, selon le rapport de l'IGJ, l'ancienne directrice de la centrale d'Arles n'ait pas transmis de compte rendu à son administration et que l'avis des CPU dangerosité n'ait pas été instruit à l'échelon supérieur, alors que la marche en avant vers un placement de Franck Elong Abé en détention ordinaire se poursuivait ?
Je reviens également sur une contradiction : on nous dit que Franck Elong Abé était très dangereux – sa radicalisation était connue, comme nous l'ont confirmé les services de renseignement, pour qui il relevait même du « haut du spectre » –, mais on lui a attribué un emploi au service général de l'établissement, en détention ordinaire. Selon le chef de la mission d'inspection, il était impossible, d'une part, d'être connu pour sa radicalisation et même de se situer dans le « haut du spectre » et, d'autre part, d'avoir un emploi en prison et de ne pas être transféré en QER ou en QPR. Quel regard portez-vous sur le fait que les avis rendus n'aient pas été instruits ?