Repousser de deux ans l'âge légal de départ à la retraite ne mettra pas automatiquement au travail tous les seniors. Leur ubérisation risque de prendre le relais et, de toute façon, la précarité s'accentuera. Les effets financiers de l'allongement de ce sas de précarité sur l'indemnisation de l'invalidité et de la maladie ainsi que sur les minima sociaux atteindront au total près de 5 milliards, soit le quart des gains liés au report de l'âge de 62 à 64 ans.
N'oublions pas que le Gouvernement promet aussi que les pensions minimales équivaudront à 85 % du Smic, mais cette mesure ne vaudra que pour les carrières complètes. Il est maintenant évident que, parmi les petites retraites, personne ou presque, ne touchera à partir de septembre prochain les fameux 1 200 euros annoncés. Sur cette question, monsieur le ministre, vous devez aux Français une clarification qui ne vient toujours pas.
L'index seniors est une fausse bonne idée : l'outil ne prévoit pas de sanctions financières, il n'est donc pas contraignant, et le panel d'entreprises concernées est trop restreint. À titre d'exemple, le département du Gard compte plus de 2 500 entreprises privées de plus de dix salariés, mais seulement 332 avec plus de cinquante salariés. Le taux d'emploi des seniors de plus de 60 ans n'est que de 30 %. L'index ne fera pas évoluer favorablement une situation très compliquée. Quatre chefs d'entreprise sur dix interrogés indiquent qu'ils ne prévoient pas d'embaucher un candidat de plus de 45 ans dans un proche avenir et 18 % d'entre eux disent d'ailleurs n'en avoir jamais recruté. La France est le pays où les seniors travaillent le moins. Les entreprises n'y trouvent pas leur compte. Alors, pourquoi insister dans le mauvais sens ? Facilitez plutôt l'accès des jeunes à l'emploi.
Abandonnez cette réforme injuste et injustifiée, ainsi que votre volonté de casser notre modèle social protecteur. Il n'y a pas de problème de déficit. Les dépenses de retraite n'explosent pas, ce sont les réformes passées qui ont réduit les financements de la sécurité sociale. Ayez conscience que la contestation s'ancre en profondeur. Vous avez réussi à mettre en mouvement ce que d'aucuns appellent la France des sous-préfectures, la France de la ruralité, comme dans ma circonscription, à Alès…