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Intervention de Patrick Titiun

Réunion du mardi 31 janvier 2023 à 17h20
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Patrick Titiun :

Madame la rapporteure, j'ai été extrêmement heureux d'être magistrat. J'ai adoré cette fonction. Ce sont plutôt les hasards de la vie qui m'ont conduit à faire autre chose. Je pensais, en partant, revenir très vite, mais cela n'a pas été le cas. Je n'ai cependant pas du tout été découragé. Entre mon départ de la magistrature, en 1990, et aujourd'hui, la situation s'est nettement dégradée. Quand j'étais en juridiction, le sentiment de découragement n'existait pas – il s'est développé depuis, pour un certain nombre de raisons. Je crois d'ailleurs qu'à cet égard, le rapport du comité des États généraux de la justice est particulièrement éclairant et très riche d'enseignements.

Il est évident que l'évaluation à 360 degrés doit être adaptée aux spécificités de la magistrature, s'agissant notamment de la désignation de l'autorité chargée de l'évaluation. Je crois que le CSM, qui est l'organe essentiel en matière d'indépendance de la magistrature, doit jouer un rôle dans la définition des personnes qui seront chargées du rendu de ces évaluations. L'évaluation à 360 degrés comporte plusieurs étapes. Il y a tout d'abord le choix des pairs en charge de l'évaluation – en théorie, ce choix revient à l'intéressé –, puis les retours des collaborateurs et des supérieurs. Ensuite, un compte rendu des évaluations est réalisé ; cette étape est évidemment délicate. Je le répète, les garanties qui doivent être attachées à cette modalité d'évaluation des magistrats français ne peuvent évidemment pas être les mêmes que celles qui existent dans une administration ou une cour internationale ne bénéficiant pas de garanties constitutionnelles.

Pour ce qui est de la résolution relative à l'éthique judiciaire des juges de la CEDH, je dirais que les enjeux sont les mêmes pour les juges internationaux que pour les juges nationaux, à savoir l'intégrité, l'indépendance et l'impartialité. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, les questions de liberté d'expression et de parole se posent tant pour le juge international que pour le juge interne. Dans les deux cas, le but poursuivi est le même : c'est la confiance du justiciable. Ce dernier doit avoir, lorsqu'il se retrouve devant un tribunal, le sentiment que le juge est indépendant et impartial.

Monsieur Paris, vous m'avez demandé comment améliorer le régime de responsabilité des magistrats. Dans sa réponse au rapport des États généraux de la justice, le CSM a tracé certaines voies, notamment celle consistant à donner des pouvoirs d'investigation à la commission d'admission des requêtes. Je pense aussi à la prise en compte des comportements tangents, qui ne sont pas pour autant constitutifs d'une faute disciplinaire. J'ai découvert, en lisant son rapport, que le CSM effectuait de plus en plus de visites dans les cours et les tribunaux ; à cette occasion, il peut être confronté à de telles situations. Le Conseil doit alors, à mon sens, jouer un rôle d'alerte. Par sa connaissance très fine du terrain et des juridictions françaises, il peut s'avérer très utile dans cette mission.

Madame Bordes, je regrette de ne pas vous avoir convaincue. Vous me prêtez un rôle qui n'est pas le mien. Je m'occupe effectivement de la communication de la CEDH, dont j'essaie de rendre l'activité la plus simple, lisible et accessible possible. Je l'ai indiqué dans mes réponses aux questions de Mme la rapporteure, nous avons cherché à simplifier au maximum nos arrêts, afin que ceux qui ne sont pas juristes – contrairement aux membres de cette commission et à vous-même, puisque je crois que vous êtes avocate – les connaissent et les comprennent. En revanche, je ne suis pas une sorte de directeur politique de la CEDH, cette fonction étant du ressort de son président.

Madame Brocard, vous m'avez interrogé sur la défiance des justiciables, qui est un sujet grave et préoccupant. Les sondages, menés à intervalles réguliers, montrent que les justiciables trouvent la justice trop lente et opaque. Il est important de progresser dans ces deux aspects : les Français attendent une justice plus rapide et plus claire.

Les nombreux recrutements de magistrats au cours des prochaines années apporteront un bol d'air aux juridictions et permettront à ces dernières de fonctionner de manière plus efficace, puisqu'elles auront plus de personnels. Le rapport des états généraux de la justice fait également référence à l'équipe autour du juge, c'est-à-dire aux juristes assistants et spécialisés, dont le nombre va augmenter au cours des cinq prochaines années. En outre, les recrutements latéraux permettront, eux aussi, de faire gagner la juridiction en efficacité.

S'agissant de la lisibilité, il faut que les justiciables comprennent les décisions de justice, ce qui rend la question de la communication si importante. La Cour de cassation a réalisé de grands efforts en la matière, puisqu'elle produit désormais de nombreux documents, podcasts et tweets qui expliquent son fonctionnement : c'est un exemple à suivre.

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