Il y a quelques semaines, un jeune militaire est rentré d'une mission en opération extérieure. Appelons-le Maxime. Lorsqu'il était à l'étranger, Maxime a assisté à des scènes particulièrement violentes qui le tourmenteront à jamais. Dès qu'il entend une porte claquer, il sursaute. Dès qu'il entend une voix gronder, il ressent une compression dans sa cage thoracique ; il sent sa respiration se faire plus rapide ; il sent cette angoisse qui le prend aux tripes et qui préfigure la panique qui va peut-être le submerger. Maxime devra être accompagné par un professionnel pour faire face au traumatisme et à ses conséquences quotidiennes. Dans cet état, il ne peut pas retourner sur le terrain et il n'y retournera plus. Tout le monde le sait dans son entourage.
Et si je vous disais que, Maxime, c'est en fait cette petite fille de 6 ans, qui a vu son père tabasser sa mère à de multiples reprises ? Cette petite fille qui a appelé la police tant de fois, cachée dans la grande armoire de sa chambre, terrorisée par les cris de sa mère qui résonnaient dans le salon. Et si je vous disais que, Maxime, c'est cette petite fille qui, vingt ans après, ne peut toujours pas acheter de couteau de cuisine, parce que, pour elle, un couteau, c'est une arme et non un outil. Cette enfant, devenue adulte, qui se dit que ce collègue qui lui sourit à la machine à café est peut-être séduisant, gentil et intelligent, mais, que, quand même, il est un peu trop grand, un peu trop imposant ; ça doit faire mal quand il se met à frapper.
Et si je vous disais que, Maxime, c'est aussi ce petit garçon de 11 ans, qui a senti si souvent, plus qu'il ne l'a vu, son père pousser la porte de sa chambre le soir ? Ce petit garçon, recroquevillé dans son lit, qui prétendait dormir, était passé maître dans l'art du silence. Il ne fallait pas que sa mère, dans la chambre d'à côté, s'inquiète, qu'elle sache ce qui se passe dans ce petit lit. C'était leur secret et son père l'aimait. En tout cas, il le lui chuchotait tous les soirs. Et si je vous disais que, Maxime, c'est ce petit garçon qui, quinze ans plus tard, n'a pas versé une larme à la mort de son père, mais qui entend encore le tic-tac de l'angoisse lorsque vient l'heure de se coucher, malgré les somnifères qu'on lui prescrit.
Les psychiatres comme Muriel Salmona ou les pédopsychiatres comme Luis Alvarez sont nombreux à considérer que les enfants qui se trouvent au cœur des violences conjugales sont des enfants en « zone de guerre » qui développent des syndromes de stress post-traumatique tout à fait similaires aux victimes de guerre.
Des Maxime, il y en a des centaines de milliers en France. Mme la rapporteure et M. le garde des sceaux ont rappelé les chiffres : 60 % des enfants témoins de violence ont développé un stress post-traumatique, 50 % des victimes de viol dans l'enfance ont fait une tentative de suicide.